Comment réaliser 40 milliards d’euros d’économies en 2026, tout en état sous la menace de la censure à l’Assemblée nationale ? A défaut de résoudre cette équation politique, François Bayrou a dressé un constat alarmant sur la situation budgétaire du pays, mardi 15 avril, en estimant que « seule une prise de conscience de nos concitoyens » sur le sujet pouvait « soutenir une action déterminée » de redressement des comptes publics, à l’issue de la réunion d’un « comité d’alerte sur le budget ».
La France « manque de moyens » pour financer ses politiques publiques parce « qu’elle ne produit pas assez et ne travaille pas assez », et qu’elle « dépense trop par rapport à [ses] recettes », a déclaré le premier ministre, lors d’une conférence de presse réalisée à l’aide d’infographies projetées derrière lui. Face à « ces constats et ces déséquilibres » qu’il a qualifié « d’objectifs », le premier ministre a écarté « deux solutions de facilité » qui seraient « intenables », selon lui : une hausse des impôts, et emprunter davantage, « ce que nous faisons depuis des décennies » et qui a conduit le pays « au bord du surendettement. »
Après avoir réuni plusieurs membres de son gouvernement ainsi que des parlementaires, des représentants d’organismes de sécurité sociale ou encore syndicaux, pour parler de l’état des finances publiques, mardi matin, il s’est exprimé devant la presse, estimant qu’ « il est des heures de vérité décisives et celle-ci en est une », et que les Français « doiv[ent] mesurer la gravité de la situation ».
Pour tenter d’y répondre, le gouvernement se fixe « quatre grandes orientations » de travail, a-t-il avancé. Le premier d’entre eux est l’« indépendance en matière de sécurité et de défense » de la France, selon le chef du gouvernement, qui a annoncé envisager « un effort de quelque 3 milliards supplémentaires » dans le budget 2026 en matière de défense. S’en suivent « le refus du surendettement » en maintenant « l’objectif d’un retour aux 3 % de déficit en 2029 », puis « la refondation de l’action publique » et le besoin de « vitalité économique de notre pays », via l’investissement industriel, technologique ou encore la simplification administrative.
François Bayrou a enfin annoncé la volonté du gouvernement d’accélérer le « calendrier habituel », concernant l’élaboration du budget 2026, afin « de prendre en compte toutes les contributions et suggestions ». « Notre but, c’est que ces grandes orientations et ces grands choix soient proposés avant les vacances, avant le 14 juillet », a-t-il déclaré, alors que l’examen du budget aura lieu, comme chaque année, à l’automne au Parlement.
La dette, « un piège dangereux, potentiellement irréversible »
Taxé d’immobilisme par les oppositions après quatre mois à Matignon, M. Bayrou entendait, par cette prise de parole amorcer la méthode dite de « coresponsabilité » avec les Français qu’il a souvent prônée avant de prendre les commandes du gouvernement.
Faisant le constat d’un « paysage [international] tourmenté dans lequel se dresse la montagne de difficultés que notre pays doit affronter », évoquant notamment à la guerre en Ukraine qui se poursuit et à la guerre commerciale lancée par Donald Trump, François Bayou a notamment jugé que « la politique de retour de la production et de réindustrialisation (…) doit devenir une obsession pour notre nation ». Selon lui, « si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n’aurions pas de déficit budgétaire », tandis que la France a également « un taux d’emploi plus faible » chez les jeunes et les seniors.
François Bayrou a également mis en garde face à la dette du pays, « un piège dangereux, potentiellement irréversible », « inacceptable parce que nous ne pourrons pas en supporter durablement la charge » qui pourrait « atteindre 100 milliards d’euros en 2029 », alors que cette dernière s’élève à 62 milliards en 2025.
L’exécutif prépare déjà les esprits à un « état d’alerte budgétaire », selon les termes d’Eric Lombard, qui a planté le décor dimanche : la France devra réaliser un effort « de 40 milliards d’euros » l’an prochain, sous forme « essentiellement » d’économies, pour réduire le déficit public de 5,4 % du PIB – objectif 2025 – à 4,6 % en 2026.
Le gouvernement s’apprête en parallèle à présenter en conseil des ministres, mercredi, son plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT), document présentant la trajectoire pour les années à venir, adressé à la Commission européenne. La prévision de croissance gouvernementale pour 2025 a été rabotée à 0,7 %, après 1,1 % en 2024. « La trajectoire, c’est 3 % à l’horizon 2029, il faut s’y tenir », a plaidé sur TF1 le ministre du commerce extérieur, Laurent Saint-Martin.