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Bénédicte Chéron est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Institut catholique de Paris. Spécialiste des relations armées-sociétés et des questions de défense, elle a notamment publié Le Soldat méconnu. Les Français et leurs armées : état des lieux (Armand Colin, 2018) et a contribué à de nombreux ouvrages collectifs sur la place des armées dans la société, la perception de leur rôle ou encore l’utilisation qu’en font les responsables politiques.
« Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix », a affirmé Emmanuel Macron lors de son allocution le 5 mars. Les Français sont-ils prêts à faire le deuil de la paix ?
Les Français ne doivent pas faire le deuil de la paix, mais le deuil d’une parole publique qui a globalement effacé le fait qu’ils puissent être directement concernés par des rapports de force internationaux. Pourtant, la France est intervenue dans des guerres sans discontinuer à partir de la fin des années 1970 : du Tchad à l’Afghanistan en passant par le Liban, l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda. Mais les autorités politiques et militaires parlaient de « crises », englobant ainsi des situations très variées. Or, plus de 600 militaires français sont morts sur ces théâtres parce qu’ils n’étaient pas seulement spectateurs des guerres des autres.
Se sont installées de puissantes distorsions narratives. Un exemple est emblématique : lors de l’hommage rendu aux Invalides aux 58 parachutistes français morts dans l’attentat du Drakkar en octobre 1983 à Beyrouth, le vicaire aux armées a été le seul à porter une parole officielle. Or il a tenu un discours qui aurait pu être le même pour les volontaires d’une ONG : « Dans la lente migration de l’humanité vers une paix mondiale et une fraternité universelle, 58 de nos frères ont donné leur vie. (…) Ne peuvent prendre ce chemin (…) que des hommes forts et résolus, des hommes généreux et capables de courir des risques. » Les Français n’ont donc pas été habitués à appréhender rationnellement leur place dans les chaos du monde.
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