Le maire d’opposition d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, a été interpellé, mercredi 19 mars au matin, selon son entourage, des médias locaux citant une enquête pour corruption et des liens avec le terrorisme, comme raison de son arrestation.
Dans une vidéo postée sur X, l’élu de 53 ans, en train de s’habiller et de nouer sa cravate, dénonce la fouille de son domicile : « Des centaines de policiers sont arrivés à ma porte. La police fait irruption chez moi et frappe à ma porte. Je m’en remets à ma nation », déclare-t-il. Un de ses collaborateurs a rapporté à l’Agence France-Presse que M. Imamoglu avait ensuite été arrêté et conduit dans les locaux de la police.
Selon les médias locaux, qui citent un communiqué du bureau du procureur d’Istanbul, M. Imamoglu est accusé d’être « à la tête d’une organisation criminelle à but lucratif » dans le cadre de l’enquête sur la corruption, ainsi que « d’aide au PKK », le Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme terroriste par Ankara dans le cadre d’une deuxième enquête.
Des mandats d’arrêt ont été émis à l’encontre d’une centaine d’autres personnes, selon l’agence de presse Anatolie. Tous les rassemblements et les manifestations ont été interdits jusqu’à dimanche par le gouverneur d’Istanbul et, selon la chaîne de télévision privée NTV, la station de métro de l’emblématique place Taksim, dans le centre d’Istanbul, est fermée. Avant son interpellation, M. Imamoglu avait prévu de rassembler mercredi ses partisans sur la rive asiatique d’Istanbul. En outre, l’accès aux réseaux sociaux est ralenti.
Diplôme universitaire invalidé
Cette arrestation a eu lieu après une perquisition au domicile de M. Imamoglu, un jour après que l’université d’Istanbul a invalidé son diplôme, sous couvert de prétendues irrégularités dans son transfert, en 1990, d’une université privée du nord de Chypre à sa faculté d’administration des affaires, disqualifiant de fait cette figure populaire de l’opposition pour la prochaine course à la présidence. Selon la loi turque, il faut être titulaire d’un diplôme universitaire pour se présenter aux élections. M. Imamoglu a déclaré qu’il contesterait cette décision.
Le président du parti CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) de M. Imamoglu, Özgur Özel, a dénoncé « un coup de force pour entraver la volonté du peuple » et « contre le prochain président » de la Turquie.
M. Imamoglu est seul en lice pour représenter son parti à la prochaine présidentielle prévue en 2028 et devait être officiellement désigné dimanche au cours d’une primaire au sein du CHP. Le prochain scrutin présidentiel en Turquie est prévu pour 2028, mais des élections anticipées sont probables.
Election historique en 2019
Figure du CHP, principal parti d’opposition parlementaire, Ekrem Imamoglu est visé par cinq autres procédures judiciaires, dont deux ont été ouvertes en janvier. En 2023, M. Imamoglu avait déjà été empêché de facto de se présenter à la présidence, en raison d’une condamnation en suspens pour « insulte » à des responsables du comité électoral turc.
Ekrem Imamoglu a fait également appel d’une condamnation prononcée en 2022 pour avoir insulté des membres du Conseil électoral suprême de Turquie, une affaire qui pourrait entraîner une interdiction d’exercer une activité politique.
M. Imamoglu avait été élu maire de la plus grande ville de Turquie en mars 2019, ce qui a porté un coup historique à M. Erdogan et à son Parti de la justice et du développement, qui contrôlait Istanbul depuis un quart de siècle. Le parti a fait pression pour annuler les résultats des élections municipales dans cette ville de 16 millions d’habitants, alléguant des irrégularités. Cette contestation avait donné lieu à une nouvelle élection quelques mois plus tard, que M. Imamoglu avait également remportée. Le maire a conservé son siège à la suite des élections locales en 2024, au cours desquelles son parti a réalisé des gains importants par rapport au parti au pouvoir d’Erdogan.