Meilleures Actions
Histoires Web mercredi, mars 19
Bulletin

Le Parquet national antiterroriste (PNAT) français a déposé un recours, examiné mercredi 19 mars à Paris, pour obtenir la mise en examen d’Agathe Habyarimana, veuve du président rwandais tué en 1994, qui a jusqu’à présent échappé à des poursuites dans l’enquête concernant son rôle lors du génocide des Tutsi. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris doit examiner mercredi à 16 heures, à huis clos, la requête aux fins de nouvelles mesures d’instruction du ministère public, selon une source judiciaire. La décision sera mise en délibéré.

Le PNAT a confirmé à l’Agence France-Presse (AFP) avoir déposé cette requête le 12 septembre, reprenant les demandes déjà formulées dans un réquisitoire supplétif du 3 septembre : la mise en examen pour « entente établie en vue de commettre un génocide et des crimes contre l’humanité » ; l’élargissement de l’enquête au 1er mars 1994 ; et de nouvelles investigations.

Agathe Kanziga, veuve de Juvénal Habyarimana, le président hutu dont l’assassinat, le 6 avril 1994, avait déclenché les massacres contre la minorité tutsi, est visée depuis 2008 par une enquête en France pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité, ouverte à la suite d’une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Aujourd’hui âgée de 82 ans, elle est présentée par ses accusateurs comme l’une des dirigeantes – ce qu’elle réfute – de l’akazu (« petite maison »), le premier cercle du pouvoir hutu, qui aurait orchestré le génocide.

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés Agathe Habyarimana, 30 ans d’exil et de soupçons sans justice

Elle avait été exfiltrée le 9 avril 1994 en Europe avec sa famille, à la demande du président français François Mitterrand, proche de son mari. Depuis, la France a refusé de l’extrader au Rwanda, sans toutefois lui accorder l’asile, en raison des soupçons pesant sur elle quant au rôle qu’elle aurait pu jouer dans l’une des pires tragédies du XXsiècle. Installée en France depuis 1998, elle y vit sans statut légal.

En 2016, elle a été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté. En février 2022, la juge d’instruction chargée du dossier avait annoncé la clôture des investigations, une décision qui augurait un non-lieu. Sa défense avait notamment soulevé le « délai déraisonnable » de l’enquête. Mais le 8 août 2022, le PNAT a pris un réquisitoire supplétif, demandant auditions et confrontations.

Radio Mille Collines

« C’est un dossier qui fait partie des plus complexes que nous avons toujours en ligne de mire », avait déclaré à la fin de mars 2024 à l’AFP l’ancien procureur national antiterroriste Jean-François Ricard, qui rentrait d’un déplacement au Rwanda à l’approche de la célébration des 30 ans du génocide. Il expliquait « reprocher [à Mme Habyarimana], en quelque sorte, les mots d’ordre qu’elle aurait pu donner, les incitations ». Selon une source proche du dossier, « on ne peut pas se contenter d’une appartenance à l’akazu, qui deviendrait un argument en soi, il faut démontrer qui a fait quoi, individualiser ».

Estimant que la juge d’instruction n’avait réalisé « qu’un petit nombre » d’actes, selon des éléments de l’enquête dont a eu connaissance l’AFP, le PNAT a pris un nouveau réquisitoire supplétif le 3 septembre 2024, lui demandant cette fois-ci de mettre en examen Agathe Habyarimana. La juge n’ayant pas répondu, le PNAT a saisi la cour d’appel pour qu’elle ordonne ces poursuites. Selon les éléments de l’enquête, la juge a réinterrogé Mme Habyarimana le 5 décembre sous le statut de témoin assisté.

Dans nos archives (2021) | Article réservé à nos abonnés L’exfiltration d’Agathe Habyarimana, une priorité pour François Mitterrand

Dans sa plainte, le CPCR accusait notamment Agathe Habyarimana d’avoir donné « des fonds importants » à la Radio-télévision libre Mille Collines, qui diffusait des messages de haine anti-Tutsi, et d’avoir pris part à l’élaboration, en février 1994, d’une « liste » de personnalités tutsi influentes et de Hutu modérés « à exécuter ». L’association l’accusait d’avoir, après l’assassinat de son mari, « donné son assentiment aux actions de terreur engagées en particulier par la garde présidentielle » et « ordonné le massacre de sept employées » d’un orphelinat qu’elle avait fondé.

Newsletter

« Le Monde Afrique »

Chaque samedi, retrouvez une semaine d’actualité et de débats, par la rédaction du « Monde Afrique »

S’inscrire

D’avril à juillet 1994, le génocide au Rwanda a fait, selon l’ONU, 800 000 morts, des membres de la minorité tutsi ou des Hutu modérés, tués par les Forces armées rwandaises (FAR) et les milices extrémistes hutu Interahamwe.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

Share.
© 2025 Mahalsa France. Tous droits réservés.