L’influenceur algérien Boualem Naman, alias « Doualemn », a été condamné, jeudi 6 mars, par le tribunal correctionnel de Montpellier, à cinq mois de prison avec sursis pour « provocation non suivie d’effet à commettre un crime ou un délit », après une vidéo qui avait alimenté une dégradation des relations diplomatiques entre Paris et Alger. Le tribunal a reconnu coupable M. Naman d’avoir appelé à « donner une sévère correction » à un opposant au régime algérien, dans une vidéo diffusée au début de janvier sur TikTok.
Lors d’une audience très médiatisée, le 24 février, le parquet avait requis une peine de six mois de prison assortie d’un sursis intégral. Son avocat, Jean-Baptiste Mousset, avait plaidé la relaxe. « L’appel à commettre des violences est caractérisé par l’emploi d’un terme qu’il explique signifier “donner des gifles ou des fessées” et visant une personne identifiable », a expliqué la présidente du tribunal. « Il ne pouvait pas s’agir de termes humoristiques », a-t-elle insisté, expliquant à M. Naman qu’il s’agissait d’un « avertissement ». L’avocat du prévenu a déclaré qu’il ferait appel de cette décision.
« Doualemn », ressortissant algérien de 59 ans aux 168 000 abonnés sur TikTok, avait été interpellé le 5 janvier à Montpellier, et placé en rétention. Dans une vidéo sur TikTok, il avait tenu des propos qui avaient fait l’objet de traductions fluctuantes, initialement présentées par les autorités comme un appel au meurtre. Celle retenue par la justice relevait une incitation à « attraper » un homme pour lui infliger une « correction sévère ».
Le préfet de l’Hérault avait estimé que ses propos justifiaient le retrait de son titre de séjour et son expulsion. Transféré à Paris, il avait été mis dans un avion vers l’Algérie. Puis son renvoi en France par les autorités algériennes à son arrivée sur leur sol, le 9 janvier, avait provoqué une crise diplomatique entre la France et l’Algérie.
Dans un nouveau rebondissement, le tribunal administratif de Melun avait annulé au début de février l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai dont il faisait l’objet. En conséquence, il avait été libéré du centre de rétention administratif où il se trouvait, et il avait été enjoint aux autorités de reprendre la procédure d’expulsion, cette fois avec un débat contradictoire.
Trois autres personnes interpellées en France
C’est dans le cadre de cette procédure que M. Naman a comparu mercredi à Montpellier devant une commission d’expulsion (« comex »), qui rendra son avis le 12 mars sur la nouvelle demande d’expulsion formulée par le préfet de l’Hérault. Comme lors de son procès pénal, le presque sexagénaire, père de deux enfants, a reconnu mercredi que ses propos constituaient bien un appel à la violence, tout en en minimisant la gravité. Disant s’être « emporté », il a répété être « sincèrement désolé ». « C’est un dossier monté en épingle pour couvrir un coup politique du ministre de l’intérieur », Bruno Retailleau, avait plaidé devant la « comex » une autre avocate de M. Naman, Marie David-Bellouard.
Outre « Doualemn », deux autres Algériens et une Franco-Algérienne ont été interpellés en France pour avoir mis en ligne des contenus haineux envers le pays et appelé à des actes violents. Prévu mercredi, le procès à Grenoble de l’influenceur algérien « Imad Tintin », poursuivi pour avoir appelé à commettre des actes terroristes en France sur TikTok, a été renvoyé au 23 mai, le temps d’une expertise sur la traduction de ses propos.
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Youcef A., alias « Zazou Youssef », a, lui, été condamné à la fin de février, à Brest, à dix-huit mois de prison ferme assortis d’une interdiction du territoire français pendant dix ans. Il était poursuivi pour avoir appelé sur le même réseau social à perpétrer des attentats en France et des violences en Algérie. Enfin, Sofia Benlemmane, suivie par des centaines de milliers de personnes sur TikTok et notamment poursuivie pour un live dans lequel elle insultait copieusement en arabe une autre femme, en lui lançant « nique ta mère toi et ta France », doit être jugée à Lyon le 18 mars.
Le refus de l’Algérie d’accepter des ressortissants en situation irrégulière renvoyés par Paris, dont l’auteur d’un attentat qui a fait un mort le 22 février à Mulhouse, a encore envenimé des relations déjà très dégradées depuis la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en juillet 2024. Le ministre de l’intérieur français, Bruno Retailleau, a fait de ce refus, comme celui de reprendre Boualem Naman, un cheval de bataille, alimentant une escalade, par médias interposés, entre les deux pays. Emmanuel Macron a tenté de calmer le jeu avec l’Algérie, le 28 février, sur les questions migratoires et a appelé à « régler » le cas de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, toujours détenu à Alger.