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« Non, mais tu te rends pas compte, il y a tout le monde ici. Des Américains, Rema, l’un des plus grands artistes africains, des responsables de Sony Music, Warner, Tik Tok… Y’a pas mieux, c’est énorme ce qu’il se passe ! » A quelques centaines de mètres d’une scène déployée sur la plage de l’hôtel The Mora, à Zanzibar, Maxim Steurbaut, aka Maxxie, ne tient plus en place.

A la fois artiste, manager et organisateur de concerts, le Belgo-Ougandais est venu rencontrer la crème de l’industrie musicale africaine à l’occasion de la cérémonie de remise des Trace Awards, qui s’est tenue le 26 février sur l’archipel tanzanien.

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Avec ses 29 chaînes de télévision musicales, Trace est l’un des piliers de l’industrie musicale africaine. En 2024, le groupe français a inauguré la première édition de ses Awards, à Kigali, au Rwanda. De retour pour une deuxième édition à Zanzibar, il rêve de prendre la relève des MTV Africa Music Awards. Depuis la dernière édition en 2016, aucune cérémonie n’est véritablement parvenue à célébrer l’ensemble du continent africain ainsi que la Caraïbe. Une anomalie alors que la popularité de la musique africaine est en pleine explosion.

Tirée par le succès mondial de l’afrobeats nigérian suivi de près par celui de l’amapiano sud-africain, la scène musicale africaine est devenue incontournable. Les Nigérians Davido, Wizkid, Burna Boy, Tems ou la Sud-Africaine Tyla sont des stars internationales qui n’ont plus rien à envier aux artistes américains. Gage de cette reconnaissance, la cérémonie de récompenses musicales de référence, les Grammy Awards, a créé une catégorie dédiée à la musique africaine en 2023.

Se faire une place sur le marché américain

Au terme d’une soirée compliquée où se sont enchaînées les galères logistiques, mercredi 26 février, les Trace Awards sont finalement parvenus à consacrer plus d’une vingtaine d’artistes. Star de la soirée, le Nigérian Rema, cité cette année et pour la deuxième fois dans la playlist de Barack Obama avec son titre Yayo, est reparti avec trois statuettes : meilleur artiste masculin, album de l’année et meilleur clip vidéo.

Parmi les autres artistes récompensés figurent notamment le Tanzanien Diamond Platnumz, désigné meilleur artiste africain global ou encore le duo sud-africain Titom & Yuppe, qui obtient le titre de la meilleure chanson de l’année avec leur tube Mnike.

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L’occasion, pour ceux dont la notoriété n’a pas encore franchi l’Atlantique, de se faire, peut-être, un nom aux Etats-Unis alors que des grands noms de la scène américaine se sont déplacés à Zanzibar. Parmi eux, l’auteur-compositeur-interprète et producteur Sean Garrett, qui a notamment écrit des tubes pour Beyoncé ou Chris Brown. « J’adore Rema, je suis un énorme fan de tout un tas d’artistes africains et c’est pour ça que je suis là, parce que je suis ouvert à des collaborations », explique-t-il.

L’artiste nigérian Rema, ici aux MTV Video Music Awards 2023, a été récompensé par trois statuettes ce mercredi 26 février : meilleur artiste masculin, album de l’année et meilleur clip vidéo.

Pour les artistes africains, se faire une place sur le marché américain est la promesse de changer d’échelle pour entrer dans un monde où les revenus, encore à la traîne sur le continent, deviennent stratosphériques. Mais si les collaborations comme celle de Rema et de l’Américaine Selena Gomez, dont le hit Calm Down, sorti en 2022, a dépassé le milliard de vues sur YouTube, restent l’objectif de nombreux artistes africains, l’inverse est vrai également.

Les artistes africains, plus courtisés que jamais

« Il fut un temps où l’Afrique suppliait les Américains de faire des chansons avec eux. Aujourd’hui, les Américains viennent me voir en me suppliant de faire des chansons avec des Africains », résume le producteur américain d’origine sénégalaise Djibril Gibson Kagni, à l’origine des premiers succès du rappeur Akon en 2004, également présent à Zanzibar. Alors que la popularité du hip-hop décline depuis quelques années, les artistes africains sont plus courtisés que jamais.

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« Si tu fais du hip-hop aux Etats-Unis, tu veux t’associer avec un artiste qui fait de l’afrobeats. C’est le truc à faire, la bonne mélodie, le bon groove, et ça permet de démultiplier son audience en touchant le public américain et le public africain », confirme Kudjo Sogadzi, président du groupe MediaCo, propriétaire de la radio historique du hip-hop aux Etats-Unis, Hot97. « L’Afrique, c’est le futur », ajoute celui qui a profité de son passage à Zanzibar pour annoncer un partenariat avec Trace afin de développer ses liens avec l’industrie musicale africaine.

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De la même manière, les majors de l’industrie musicale que sont Universal Music Group, Sony Music, Warner Music Group et EMI n’entendent pas rater le coche. Début 2024, Universal Music s’est ainsi offert une participation majoritaire dans le label nigérian Marvin Record, qui a signé toutes les plus grandes stars de l’afrobeats.

Si le montant de la transaction n’a pas été dévoilé, la valeur de Marvin Record a été estimée à plus de 125 millions de dollars (quelque 120 millions d’euros) par le passé. Et, début 2025, la société de distribution musicale, Africori, basée à Johannesburg, qui a notamment distribué le tube Jerusalema, a été rachetée par Warner.

« 80 à 90 % des artistes africains galèrent »

Mais la « hype » de la musique africaine repose sur un paradoxe. Alors que les investisseurs et les partenaires se bousculent pour entrer dans la danse sans toujours bien savoir comment s’y retrouver dans ce marché complexe, l’industrie musicale africaine, prise de vertiges face à tant de sollicitations, est confrontée à une série de défis majeurs.

« Il y a un potentiel absolument délirant, mais la réalité, aujourd’hui, c’est que 80 à 90 % des artistes africains galèrent », résume le PDG et fondateur de Trace, Olivier Laouchez. Faute de structures fonctionnelles de collecte des droits d’auteur, le responsable estime par exemple qu’un milliard de dollars échappe aux artistes africains.

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Autre défi : alors que nombre d’artistes africains font des dizaines de millions de vues sur les plateformes de streaming, leurs revenus issus de ces audiences sont marginaux dans l’immense majorité des cas. En cause notamment, la faiblesse des revenus collectés par les plateformes digitales à travers la publicité ou les abonnements. Conséquence : celles-ci ne reversent aux artistes africains qu’une fraction de ce qu’ils toucheraient dans d’autres régions.

A défaut de percevoir des revenus à la hauteur de leurs audiences massives, les artistes africains conçoivent ces millions de vues comme une mesure de la puissance de leur « marque » qu’ils monnaient dans des partenariats publicitaires, sans toujours savoir comment s’y prendre.

Accélérer la structuration du milieu

« L’une des choses les plus importantes est d’apprendre aux gens du métier comment les marques gagnent de l’argent », relève Danice King’ori, en charge des investissements média en Afrique du groupe de télécoms Airtel, partenaire des Trace Awards.

Conscient de ces défis, Trace aimerait accélérer la structuration de l’industrie et contribuer à armer les artistes face à la complexité du milieu. C’est ainsi que le groupe a imaginé cette année un minisommet en préambule des Awards. Les 24 et 25 février, huit panels ont rassemblé des représentants de tous les acteurs de l’industrie musicale africaine autour des grandes questions qui agitent le secteur. Une initiative unanimement saluée.

« Labels, artistes, distributeurs, partenaires, nous sommes tous venus en mettant la concurrence de côté pour défendre collectivement l’Afrique », assure Seven Mosha, responsable du marketing et du développement des artistes au sein de la branche Afrique de l’Est de Sony Music. « Il nous faut plus de plateformes comme celles-ci, c’est comme ça que nous pouvons former les artistes, imaginez les portes que ça peut ouvrir pour tous ces jeunes », ajoute le chanteur et entrepreneur nigérian D’Banj, hôte de cérémonie de remise des prix, qui milite pour la création d’un grand syndicat de la musique en Afrique. « Les Occidentaux viennent faire des profits chez nous. Nous devons nous former et être unis », résume-t-il.

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