« Mayotte, l’impossibilité d’une île », soirée spéciale sur France 5 : dans l’archipel, choisir de rester français ne suffit pas

FRANCE 5 ET FRANCE.TV – DIMANCHE 23 FÉVRIER À 21 HEURES – DOCUMENTAIRES

« Mayotte, l’impossibilité d’une île », difficile de faire plus juste que le titre du documentaire qui ouvre la soirée que France Télévisions consacre au 101^e département français, dont les maux endémiques (pauvreté, violence) ont ressurgi sur le devant de l’actualité : le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a dévasté l’île de l’océan Indien, tuant 39 personnes (bilan provisoire) et en blessant quelque 5 000 autres.

A la réalisation, Julie Peyrard – Algérie. Les promesses de l’aube (2019), Colombie. La paix confisquée, paroles d’otages (2024) – a recueilli de nombreux témoignages emblématiques, d’un diplomate comorien à une jeune mère mahoraise, d’une mère de famille comorienne menacée d’expulsion à une centenaire qui a participé au mouvement féminin des Chatouilleuses, né dans les années 1960 pour que Mayotte reste française.

Très vite, la fracture apparaît entre les attentes des Mahorais, qui veulent être français, et celle des Comoriens présents massivement sur l’île, souvent de façon illégale, mais en s’y sentant aussi « chez eux ». Entre les deux, « il n’y a plus que de la haine », estime Mohammed B. , un sans-papiers. « On se déteste », confirme « le Gérant », un chef de bande de 19 ans, qui ne sait plus pourquoi deux villages se combattent : « Je crois que c’est parti d’une histoire de foot… »

Du référendum au putsch

Il faut attendre Le Choix de rester français – second film hélas programmé après le débat animé par Mélanie Taravant – pour saisir tous les enjeux politiques sous-jacents, à la lumière d’une chronologie des faits pleine de rebondissements, implacable et indispensable.

Ainsi, le premier référendum de 1974 se comprend mieux si l’on rappelle qu’il a été voulu par le président de la République Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020) en accord avec Ahmed Abdallah (1919-1989), le père de l’indépendance des Comores. Seul hic : si les îles Anjouan, Mohéli et Grande Comore votent à 96 % l’indépendance, Mayotte refuse à 64 %.

Abdallah va alors tenter de forcer l’histoire en proclamant l’indépendance de tout l’archipel, Mayotte incluse. Mais le 3 août 1975, un putsch mené par Bob Denard renverse Abdallah. Ce qui permet aux Mahorais, consultés de nouveau le 8 février 1976, de se prononcer à 99,4 % pour le maintien de Mayotte dans la République française. Néanmoins, les Comores et l’ONU ne reconnaissent pas ce vote.

Devant la caméra, les anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, et les fils de Marcel Henry, ex-sénateur de Mayotte, et de Younoussa Bamana, du Mouvement populaire mahorais (MPM), apportent leurs éclairages : sur le second putsch, toujours mené par Bob Denard mais financé par les Comoriens ; sur le retour d’Ahmed Abdallah, un ami de François Mitterrand. « Le choix de Mayotte est illisible pour la gauche », explique la députée de Mayotte Estelle Youssouffa.

Jacques Chirac va de nouveau inverser la tendance et entrouvrir la voie au processus de départementalisation, qui se concrétise le 31 mars 2011. Sans avoir anticipé qu’il provoquerait, de par le droit du sol, une migration de masse. Aujourd’hui, Mayotte enregistre 30 naissances par jour en moyenne à la maternité de Mamoudzou, la plus grande de France.