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Histoires Web mardi, février 11
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Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), l’anthropologue Michel Agier revient, dans Racisme et culture. Explorations transnationales (Seuil, 224 pages, 21,50 euros), livre paru en début d’année, sur le renouvellement politique du racisme dans les sociétés cosmopolites et mondialisées.

Au début de votre ouvrage, vous rappelez que la démonstration scientifique de l’inexistence des races n’empêche pas le racisme. Comment l’expliquer ?

Dans les années 1970, des biologistes, des épidémiologistes et des archéologues ont montré que la race n’était pas un concept scientifique qui permettait de dire la vérité des populations humaines. Au même moment, la sociologue Colette Guillaumin [1934-2017] montrait que ce qui existait, ce ne sont pas les races mais un fait de domination, puis un discours qui naturalise cette domination.

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Ce qu’il faut retenir, c’est que la race, d’un point de vue biologique, n’existe pas, mais qu’en revanche, la race produite par le racisme, elle, existe socialement. C’est cette race-là que nous devons étudier pour pouvoir corriger la dimension raciste de la domination.

Vous constatez que les références à la race sont relancées actuellement par les élites, notamment politiques, qui s’appuient, selon vous, sur une « infrapensée » raciste. Que voulez-vous dire ?

Je parle d’« infrapensée » raciste pour désigner, dans l’histoire française et européenne, l’héritage d’une histoire coloniale et impériale. Elle a donné un langage particulier avec ses mots, ses idées et ses représentations. On le retrouve dans les œuvres littéraires de Joseph Conrad ou de Louis-Ferdinand Céline, mais aussi en politique avec des expressions comme « migrant », « ethnique », « immigré de la deuxième ou troisième génération »…

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Tous ces termes relèvent directement d’une infrapensée raciste qui associe l’identité française au fait d’être Blanc. Quand vous parlez d’« immigrés de troisième génération », vous excluez certains Français de la communauté nationale car vous les percevez comme éternellement étrangers.

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