Prune Nourry, à la galerie Templon
L’œil accroche sur la Vénus de Lespugues, iconique, avec ses dimensions corporelles hors norme. Mais la miniature d’ivoire est ici revisitée à taille humaine et en bronze recouvert d’une « peau de terre », de même que ses comparses aux morphologies et aux teintes naturelles diverses, érigées sur des socles mi-muséaux mi-bruts ou façon palette en bois, comme sur un lieu de fouille.
D’autres, d’une trentaine de centimètres, sont regroupées, en suspens sur les murs. Le corps féminin est au cœur de la pratique de Prune Nourry, révélée par son armée de Terracotta Daughters, inspirée des guerriers de terre cuite chinois, il y a une douzaine d’années.
Dans le cadre d’une résidence qui a accompagné son projet pour la gare Saint-Denis-Pleyel (Seine-Saint-Denis), la sculptrice a convié dans l’intimité de son atelier huit femmes de tous âges et origines rencontrées au sein de la Maison des femmes, association de la ville qui accueille et accompagne des victimes de violences. Elle a demandé à ses modèles dionysiens de poser nues pour elle, au-delà de leurs tabous ou traumas, à la façon, frontale, des vénus paléolithiques, tout en ébauchant à peine les visages ou les jambes, sur ce même modèle, afin de garder une forme d’abstraction et d’anonymat. En ressort une exposition troublante, qui donne envie de découvrir l’installation monumentale qui entrera en gare en 2026.
« Prune Nourry. Vénus ». Galerie Templon, 28, rue du Grenier-Saint-Lazare, Paris 3e. Jusqu’au 1er mars.
Xie Lei, à la galerie Semiose
La peinture de Xie Lei est de celles que l’on dit figuratives : des corps et des têtes y apparaissent. Ils sont assez clairement visibles, debout ou allongés, seuls ou unis par leurs postures. Mais il est difficile d’en dire plus. Les lieux sont indistincts, réduits à des traces de feuillage ou un sol. Les gestes, quand il y en a, sont équivoques, étreintes ou affrontements. Quand la figure est seule, on ne sait si son attitude est celle du deuil, de la contemplation ou de la jouissance.
Allongée, elle est vivante ou morte ? Les traits des visages se perdant dans des halos ou ayant été comme effacés par un excès de lumière, inutile d’espérer en déduire quels sentiments éprouveraient ces êtres spectraux ou de quelle histoire ils seraient les protagonistes. Les lignes de leurs bustes et de leurs membres se dissolvent dans un flux coloré, bleu froid allant vers le gris ou, plus rarement, ocre.
Les gestes qui indiquent formes et volumes sont aussi ceux qui les brouillent et les traversent, comme si ces corps avaient perdu toute substance et flottaient, sur le point de se noyer dans la nuit ou dans une eau mortelle. Il y a encore quelques années, le peintre leur accordait une densité palpable et rassurante. Ils l’ont perdue et Xie Lei semble peindre désormais l’impossibilité de toute représentation stable : un monde qui fuit et ne peut que finir par disparaître.
« Xie Lei. Mort heureuse ». Galerie Semiose, 44, rue Quincampoix, Paris 4e. Jusqu’au 15 mars.