« Vie de chien », sur France Culture : la patte d’Ovidie comme documentariste

FRANCE CULTURE – À LA DEMANDE – SÉRIE DOCUMENTAIRE

Au printemps 2024, Ovidie signait Assise, debout, couchée (JC Lattès) dans lequel elle questionnait la place des chiens dans la société. « Il est l’enfant qui a quitté le foyer, le mari décédé, le bébé qu’on ne peut plus avoir. Il est le compagnon de vie, celui qui reste quand on n’a plus rien. Mais le chien est aussi le défenseur du foyer, le protecteur de la rue, le dernier rempart contre les violences masculines », écrivait-elle alors.

Sans doute est-ce pour prolonger et donner à entendre sa réflexion qu’elle signe aujourd’hui un documentaire en huit épisodes, escorté de son fidèle collaborateur, Tancrède Ramonet, et de la réalisatrice Julie Beressi. Et bien que l’on sente son amour des canidés – elle confie en avoir trois –, Ovidie procède avec la rigueur qui est la sienne, interrogeant historiens, chercheurs, vétérinaires et bénévoles d’associations.

« Si le chien est le meilleur ami de l’homme, c’est avant tout parce qu’il ne juge pas », raison sans doute pour laquelle les personnes marginalisées et/ou en souffrance aiment les chiens (épisode 1). Réconfort affectif, chauffage sur patte, élément de protection – nombre de travailleuses du sexe en témoignent ici –, le chien se révèle particulièrement efficace dans le cadre du recueil de la parole de personnes en état de stress post-traumatique ; l’armée française y a recours depuis 2021.

Après « Histoires de canicides » (épisode 2), Ovidie s’intéresse aux chiens de laboratoire – essentiellement beagles et golden retrievers – sacrifiés pour la recherche scientifique, puis au destin de Laïka, la plus célèbre des chiennes du programme soviétique de conquête spatiale (épisodes 3 et 4).

Femmes et cause animale

Mais c’est à l’épisode 5 que la série se fait peut-être la plus intéressante. Voici ce que l’autrice des documentaires Là où les putains n’existent pas (2017) et A quoi rêvent les jeunes filles ? (2015), notamment, y dit dans un préambule aux allures de manifeste : « Les femmes et les chiens ont ceci en commun qu’ils sont victimes des canons de beauté, variables en fonction des époques et des cultures, mais avec cette constante qui consiste à prendre le contrôle de ces corps et de les rendre conformes aux diktats (…) Pour les chiens comme pour les femmes, l’apparence prime sur le bien-être et la santé. »

Instagrammable jusqu’à devenir viral, le chien est le nouvel accessoire à avoir. Et peu importe s’il a fallu pour cela lui raccourcir le museau jusqu’à engendrer des problèmes respiratoires (pékinois, bouledogue et carlin). Dans l’épisode suivant, Ovidie interroge le rôle et la place des femmes dans la cause animale alors que les refuges sont tenus à bout de bras par ces dernières.

Le sociologue Jérôme Michalon rappelle : « Ce n’est pas propre à la cause animale. On peut penser effectivement que tout ce qui est du travail de “care” au quotidien, par exemple dans des refuges, nourrir des animaux, porter des sacs de croquettes, leur brosser les dents, ramasser les déjections, sont des tâches qui a priori sont souvent dévolues aux femmes dans le reste de la société. Et il n’y a aucune raison que la cause animale, là aussi, fasse exception. »

Les épisodes 7 et 8 abordent la question des dernières années de vie du chien. Et l’on se dit que, décidément, Ovidie a une patte particulière et un sacré talent pour nous donner à réfléchir.