Jusqu’au 23 janvier, les sans-papiers en attente de régularisation pouvaient espérer une « admission exceptionnelle au séjour » (AES) grâce à la circulaire Valls de 2012. L’actuel ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, l’a remplacée par sa propre circulaire. Comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans son rapport de 2013 sur le « droit souple », ces missives aux préfets ne créent pas de nouveau droit. Ce sont des recommandations de nature interprétative et non impérative.
Personne n’est dupe : les destinataires de la nouvelle circulaire ne sont pas les préfets mais l’opinion publique, à qui l’on veut faire croire que MM. Manuel Valls et Gérald Darmanin autorisaient des régularisations « à tour de bras » (sic), « trop quantitatives » (re-sic). Les préfets ont dû apprécier ces tautologies : leur rappeler que les « admissions exceptionnelles au séjour doivent rester exceptionnelles » et qu’il n’y a « pas de droit automatique à la régularisation », c’est leur faire injure.
Comment donc traitaient-ils les dossiers des sans-papiers ? Au cas par cas, et non au fil de l’eau. La décision finale sur les dossiers dépendait de leur pouvoir discrétionnaire, avec des chances de succès fort inégales d’une préfecture à l’autre. En octobre 2022, une enquête de la commission des lois a confirmé le témoignage des associations : un tiers environ des préfets renonçaient déjà à appliquer la circulaire Valls, faute de moyens ou de volonté. Les bureaux devaient privilégier le renouvellement des titres de séjour. Dans certaines préfectures, des dossiers de régularisation dûment remplis n’avaient toujours pas été ouverts au bout de trois ans.
Contradiction flagrante
Quel est le bilan ? En 2023, le nombre d’AES octroyées grâce à la circulaire Valls s’élevait à 34 700 : 11 500 au titre du travail, 22 200 au titre de la famille et 1 000 à des étudiants. Ces chiffres absolus impressionnent à bon compte. Mais, rapportés aux 500 000 sans-papiers qui vivent en France (estimation plausible), c’est un taux de régularisation annuel de 7 %. Chiffre plus fiable : sur l’ensemble des nouveaux titres de séjour accordés en France en 2023, seulement 9,5 % étaient des AES. A supposer que M. Retailleau parvienne à réduire le nombre d’un tiers, le taux de régularisation chuterait de 7 % à 5 %. Comment croire qu’on passerait ainsi du prétendu « chaos migratoire » à la « reprise de contrôle » ?
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