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Catherine Wihtol de Wenden est directrice de recherche au CNRS. Autrice d’Atlas des migrations (Autrement, 2021), elle vient de publier un essai : Immigration. Indifférence, indignation, déshumanisation (Autrement, 160 pages, 19 euros).

Le premier ministre, François Bayrou, a récemment affirmé qu’il existait, en France, un sentiment de « submersion » migratoire. Cela correspond-il à une réalité ?

L’emploi du terme « submersion » relève du calcul politicien : il est destiné à « racoler » à droite, alors que le premier ministre se sent moins soutenu à gauche. Il faut replacer les choses dans la réalité. Le mot de « submersion » est inapproprié : avec environ 10 % d’immigrés, la France se situe dans la moyenne européenne. En matière d’asile, c’est la même chose. Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, la France s’est contentée d’accueillir 4 % des réfugiés ukrainiens fuyant la guerre. Ceux qui sont allés en Europe ont préféré se rendre en Pologne, en Allemagne, en Italie ou en Espagne parce qu’il y avait, dans ces pays, une immigration économique antérieure d’Ukrainiens.

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Pour les Syriens fuyant le régime de Bachar Al-Assad, c’est la même chose : quand la France accueillait entre 2015 et 2016 autour de 11 000 demandeurs d’asile syriens, l’Allemagne en enregistrait plus de 420 000. Il y avait, dans ce pays, plus d’emplois, de meilleurs salaires et la présence ancienne d’une migration venue du Moyen-Orient – dans les années 1970, des Kurdes de Syrie, de Turquie et d’Irak se sont installés en Allemagne, et ils ont été rejoints, dans les années 1980, par des Syriens qui fuyaient le régime de Damas.

Vous soulignez, dans votre ouvrage « Immigration. Indifférence, indignation, déshumanisation » que les mouvements migratoires se sont accélérés depuis la fin du XXe siècle. Pourquoi ?

Une première phase d’immigration de masse survient à la fin du XIXe siècle, durant laquelle les Européens ont migré à l’intérieur du continent ou sont partis peupler les nouveaux mondes, Etats-Unis, Canada, Australie. A partir de 1989, la planète entre dans une nouvelle phase d’immigration de masse, car l’émigration est soudainement devenue possible en de nombreux endroits, notamment en Europe de l’Est, grâce à la fin du rideau de fer. La Chine s’est aussi ouverte à ce moment-là, ainsi que de nombreux pays du Sud qui avaient un double intérêt politique et économique à laisser sortir leur jeunesse.

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