Le président américain, Donald Trump, a mis sa menace de guerre commerciale à exécution et imposé, samedi 1ᵉʳ février, 25 % de droits de douane sur les produits provenant du Canada – à l’exception des hydrocarbures, taxés à 10 % – et du Mexique, a annoncé la Maison Blanche sur son compte X. Le président a également annoncé 10 % de droits de douane supplémentaires à ceux déjà existants sur les produits chinois. Cette taxation entrera en vigueur mardi 4 février pour les produits canadiens, selon un premier décret présidentiel que l’Agence France-Presse a pu consulter.
Donald Trump s’en prend ainsi aux trois principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, qui représentent au total plus de 40 % des importations du pays. Quelques heures après la signature de ces décrets, Donald Trump a prévenu les Américains des conséquences potentielles, tout en assumant cette décision. « Est-ce que cela va faire souffrir ? Oui, peut-être. Et peut-être pas. Mais nous allons rendre sa grandeur à l’Amérique et cela vaudra le prix qu’il faudra payer », a écrit le président américain sur son réseau Truth Social en lettres capitales. M. Trump a aussi de nouveau mis la pression sur le Canada en estimant dimanche que le pays « devrait devenir notre cher 51e Etat », ce qui impliquerait, selon lui, « des impôts bien plus faibles et une protection militaire bien meilleure pour les Canadiens – et pas de droits de douane », a-t-il assuré.
Les réactions mexicaine, canadienne et chinoise n’ont pas tardé à arriver : quelques heures plus tard, la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, et le premier ministre canadien, Justin Trudeau, ont annoncé que des droits de douane seraient imposés en représailles sur les produits américains. De son côté, Pékin a dit s’« opposer fermement » aux taxes américaines et promis de répliquer avec des mesures « correspondantes ».
« Rapport de force »
Pour sa part, le ministre de l’industrie français, Marc Ferracci, a appelé l’Europe à « assumer une forme de rapport de force » compte tenu des déclarations de Donald Trump au sujet des droits de douane. Alors que le président américain a menacé de sanctionner aussi l’Union européenne, Marc Ferracci a estimé qu’« il est évident que [l’Europe doit] réagir ». « La réponse, pour être efficace, doit porter sur les produits qui sont importants pour votre interlocuteur et pour le pays avec lequel vous négociez, a-t-il ajouté. Il faut que ce soit comme on dit “mordant”, ça veut dire que ça ait des impacts sur l’économie américaine, pour avoir une menace crédible dans la négociation. » Défendant des droits de douane « peu élevés » qui « favorisent la croissance et la stabilité économique », la Commission européenne a prévenu, dimanche, qu’elle « ripostera avec fermeté » si l’Europe était également ciblé.
Washington justifie sa décision par la volonté de forcer les trois pays à agir pour lutter contre le trafic de fentanyl, un puissant opioïde, à destination des Etats-Unis. Selon le président, la Chine exporte vers le Mexique des principes actifs permettant sa fabrication par les cartels mexicains, ensuite vendu de l’autre côté de la frontière. Il reproche également au Mexique et au Canada de ne pas suffisamment contrôler les flux migratoires vers les Etats-Unis.
Donald Trump a expliqué sur son réseau social, Truth Social, s’appuyer sur une loi de 1977, l’International Emergency Economic Powers Act, qui permet au président de réglementer le commerce en cas de situation d’urgence nationale. En cause, « la menace majeure que représentent les migrants illégaux et les drogues mortelles qui tuent nos concitoyens, notamment le fentanyl. Nous devons protéger les Américains, et c’est mon devoir en tant que président de m’assurer de la sécurité de tous », a écrit M. Trump.
« Lutter contre le trafic de drogue »
« Les droits de douane annoncés sont nécessaires pour forcer la Chine, le Mexique et le Canada à rendre des comptes à la suite de leurs promesses de faire cesser le flux de drogues toxiques aux Etats-Unis », explique la Maison Blanche sur son compte X. Concernant le Mexique, ils resteront en place « jusqu’à ce que le Mexique coopère avec les Etats-Unis pour lutter contre le trafic de drogue. Les cartels mexicains sont les premiers trafiquants mondiaux de fentanyl, méthamphétamines et d’autres drogues ».
Le Monde Mémorable
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Découvrir
Washington a affirmé que les cartels avaient « fait alliance avec le gouvernement mexicain », sans pour autant apporter d’élément soutenant cette affirmation. Quant au Canada, la Maison Blanche estime que « la production de fentanyl y progresse, et les saisies de fentanyl, l’année dernière, ont été suffisamment importantes pour tuer l’équivalent de 9,8 millions d’Américains ».
La Chine, pour sa part, « joue un rôle central dans la crise du fentanyl, qui détruit des vies américaines » et les droits de douane s’appliqueront « jusqu’à [ce que] la pleine coopération [de Pékin en la matière soit assurée] », selon la même source.
Du fait de l’accord de libre-échange entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique (ACEUM), les entreprises ne paient théoriquement pas de droits de douane si elles appliquent les règles prévues par l’accord. Certaines font, cependant, le choix de ne pas suivre ces directives et se voient dès lors appliquer un droit de douane, généralement compris entre 5 et 6 %.
Pour Wendy Cutler, vice-présidente de l’institut de politique publique Asia Society, les taxes « sont un signal clair que tous nos amis, voisins et partenaires sous traité de libre-échange, sont dans la ligne de mire ». Pour le Canada et le Mexique, « la pression intérieure pour des représailles va être forte, mais cela va compliquer la possibilité d’une solution négociée ».
Wendong Zhang, professeur à l’Université Cornell (Etat de New York), estime, quat à lui, que, pour le Mexique, qui exporte à 85 % vers les Etats-Unis, une hausse généralisée des droits de douane pourrait être particulièrement rude, avec un recul de 3,6 % de son PIB. Mais l’économie américaine elle-même serait touchée à un moment où, portée par la consommation, elle tourne à plein régime, avec une croissance de 2,8 % en 2024.
Selon Gregory Daco, chef économiste pour le cabinet EY, les droits de douane prévus pourraient « entraîner un recul de 1,5 % du PIB américain en 2025 et 2,1 % en 2026 par rapport à nos prévisions initiales, du fait d’un ralentissement de la consommation et des investissements », sans même parler des effets de potentielles représailles. Ils pourraient également entraîner une hausse de 0,7 point de pourcentage de l’inflation sur le premier trimestre de l’année, estime-t-il, avant de voir les effets s’atténuer.
Outre les réactions du Mexique, du Canada et de la Chine, aux Etats-Unis, l’association nationale américaine des constructeurs de logements (NAHB) a réagi en affirmant que ces nouveaux droits de douane allaient entraîner « une hausse du prix des matériaux de construction ». « Plus de 70 % des importations de deux matériaux particulièrement utilisés par les constructeurs, le bois d’œuvre et le plâtre, proviennent du Canada et du Mexique, a précisé le président de la NAHB, Carl Harris, dans un communiqué. Les droits de douane sur le bois et d’autres matériaux vont augmenter le coût de la construction. »