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La jeune Tchadienne de 20 ans date le début de son calvaire à 1 heure du matin, durant la nuit du mercredi 15 au jeudi 16 janvier. Arrêtée quelques heures plus tôt pour « racolage », elle est extraite de sa cellule de garde à vue du commissariat du septième arrondissement de N’Djamena et emmenée dans le bureau du commissaire. « Il m’a giflée, a déchiré mes habits puis m’a forcée à me coucher. Il m’a violée jusqu’au matin », détaille-t-elle dans le média local Tchad Infos. Libérée durant la matinée du 16 janvier, elle se rend à l’hôpital, où des examens médicaux confirment qu’elle a été violée.

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Le témoignage de la jeune femme fait immédiatement grand bruit et est partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes interpellent les autorités pour demander que l’agresseur soit puni. Le 17 janvier, le ministre tchadien de la sécurité publique, Ali Ahmat Aghabache, annonce lui-même l’arrestation du commissaire mis en cause, qualifiant l’acte d’« odieux, lâche et barbare ».

Le scandale prend de l’ampleur quand un autre policier, également blogueur, publie un message de soutien à son collègue sur Facebook, rejetant la faute sur la lycéenne, qui aurait selon lui « ouvert les jambes ». Ali Ahmat Aghabache dénonce des « propos d’une autre époque », « réaffirme son soutien à la victime » et annonce l’arrestation du policier pour « apologie du viol ». Sa collègue ministre de la femme, Amina Priscille Longoh, demande la radiation des deux policiers.

L’affaire « Zouhoura »

Quinze jours plus tôt, une autre affaire avait fait scandale. Dans la nuit du 1er janvier, après avoir passé la soirée au Festival Dary, un événement annuel consacré à la culture tchadienne à N’Djamena, une adolescente de 17 ans a été agressée sexuellement par plusieurs hommes sur le chemin du retour. Un « viol collectif » dénoncé par les associations de défense des droits des femmes, mais aussi par la ministre Amina Priscille Longoh. « Dans un Etat de droit comme le nôtre, aucune fille ne devrait sortir tout en craignant pour son intégrité physique et morale », a-t-elle estimé.

Qu’une affaire de viol défraie la chronique n’est pas chose nouvelle au Tchad. En 2016, l’enlèvement, la séquestration et le viol pendant plusieurs jours de Zouhoura, une adolescente de 16 ans, avaient ému le pays après que des images de son calvaire eurent circulé sur les réseaux sociaux.

Dans nos archives (2016) | Tchad : cinq personnes interpellées après l’agression sexuelle d’une jeune femme

A l’issue de nombreuses manifestations lycéennes lors desquelles deux adolescents avaient été tués par la police, sept hommes, dont deux fils de généraux et un fils de ministre, avaient été condamnés à dix ans de travaux forcés par la cour criminelle du Tchad. « Ils ne sont jamais allés en prison, dénonce Epiphanie Dionrang, présidente de la Ligue tchadienne des droits des femmes (LTDF). Le grand problème de notre société, c’est l’impunité. »

L’article 15 de la Constitution adoptée en décembre 2023 prévoit que l’Etat a « le devoir de veiller à l’élimination de toutes les discriminations à l’égard de la femme et d’assurer la protection de ses droits ». Et contrairement à d’autres pays de la région, le mot « viol » est défini dans le code pénal. « L’article 349 prévoit des sanctions contre le viol. Et la peine peut être relevée de dix à vingt ans lorsqu’il y a un certain nombre de circonstances aggravantes. Quand un agent d’une force publique commet une infraction, cela constitue une circonstance aggravante », explique l’avocat Yannick Yonoudjim.

« Briser le silence »

« Nous avons de bonnes lois, assure Aché Ahmat Moustapha, sociologue et militante féministe. Mais c’est leur application qui pose un réel problème. »

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« Nous recevons quotidiennement des menaces, notamment de viol, car nous défendons les femmes agressées », rapporte Aché Ahmat Moustapha, qui, dans une tribune publiée récemment, appelle à « briser le silence ». Selon la LTDH, qui recense quinze cas de féminicides et viols depuis le début de l’année, les agressions sexuelles à l’encontre des femmes sont quotidiennes au Tchad.

Lire aussi (2022) | « Les violeurs ne purgent jamais leur peine » : au Tchad, le combat des « super banat » contre l’impunité

« La plupart du temps, la famille préfère ne rien dire ou régler les choses à l’amiable, car bien souvent elle n’a pas suffisamment d’argent pour payer les avocats ou même faire les allers-retours au poste de police, déplore Epiphanie Dionrang. Ils ont aussi peur pour leur réputation, et de toute façon, la justice ne s’applique jamais vraiment, alors à quoi bon s’exposer ? » La Ligue tchadienne des droits des femmes estime que plusieurs centaines de plaintes sont classées sans suite par la justice malgré les preuves rassemblées par leur soin.

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