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Histoires Web samedi, janvier 18
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La revue des revues. La restitution des œuvres culturelles aux anciens pays colonisés s’est imposée comme un sujet brûlant, mais une autre spoliation reste indiscutée : celle des « arts de la parole », dont certains fragments ont connu la postérité grâce à d’illustres passeurs comme Michel Leiris ou Amadou Hampâté Bâ. Avant d’exister comme telle, cette littérature orale a fait l’objet d’un triple transfert – entre langues, entre supports (de l’oral à l’écrit) et entre cultures.

Dans son numéro intitulé « Paroles spoliées » (Musée du quai Branly, 2024), la revue d’anthropologie et d’histoire des arts Gradhiva propose d’en interroger les « logiques d’appropriation » dans un dossier explorant le « devenir des arts verbaux autochtones dans la culture lettrée européenne », écrivent les deux codirectrices du dossier, Irene Albers et Eléonore Devevey. L’ambition de ce numéro est d’« étudier des cas dans lesquels une violence (au moins) symbolique s’est exercée ».

Une monographie est ainsi consacrée à la trajectoire d’un conte ronga transcrit pour la première fois en 1898 par un missionnaire au Mozambique qui inspirera des anthologies de contes, dont l’un de Blaise Cendrars, ou le roman de Simone Schwarz-Bart Ti Jean L’horizon (1979). Remontant de texte en texte jusqu’à l’origine du recueil, l’article questionne la non-attribution d’une « auctorialité créatrice » à ces histoires « presque toujours présentées comme la production anonyme de tout un peuple » alors que celle-ci est reliée à une conteuse hors pair.

« Vols de voix »

Une généalogie semblable est aussi retracée à propos d’un prétendu chant de guerre baoulé, promu par Léopold Sédar Senghor et le courant de la négritude, mais dans une version filtrée par l’ethnologie coloniale qui en a modifié le statut et le sens.

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Parfois, des faux circulent même sous une présomption d’authenticité, à l’image du manuscrit nommé Walam Olum, improprement attribué à des Indiens nord-américains. A travers cet exemple, la revue réfléchit aux « vols de voix » et insiste sur la nécessité de revaloriser l’« expertise autochtone » pour éviter de telles dérives.

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