C’est l’un de ces sujets éthiques assez méconnus du grand public, mais qui divise encore, à bas bruit, le monde des soignants. « Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse », peut-on lire à l’article L2212-8 du code de la santé publique, qui s’applique également aux sages-femmes, aux infirmiers et auxiliaires médicaux. A chaque évolution législative relative à l’avortement, depuis sa légalisation, le 17 janvier 1975, cette clause de conscience spécifique à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) revient dans le débat, avant d’être confirmée dans la loi.
Une autre clause, dite générale, pour des praticiens souhaitant ne pas effectuer un acte, quel qu’il soit, existe dans le même temps : à l’article 47 du code de déontologie médicale, figure ainsi une clause de nature réglementaire qui donne à tout praticien le droit de refuser des soins « pour des raisons professionnelles ou personnelles », « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité ». C’est parce que ces deux textes coexistent que les soignants parlent d’une « double clause de conscience » concernant l’avortement. Et c’est ce traitement particulier qui reste interrogé.
Retour sur l’histoire. Il faut se souvenir de la très vive opposition, il y a cinquante ans, des parlementaires et d’une large frange du monde médical, pour comprendre le compromis défendu par Simone Veil. Pour que soit promulguée la loi dépénalisant l’avortement, le 17 janvier 1975, la ministre de la santé, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, porte un texte qui encadre strictement la pratique jusqu’à dix semaines de grossesse, pour des femmes se déclarant en « situation de détresse », et en accordant aux médecins la possibilité de recourir à une clause de conscience spécifique. L’IVG n’est pas à l’époque pensée comme un droit, mais bien comme une concession, au nom de la santé des femmes.
« Lever l’ambiguïté »
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