Dans sa déclaration de politique générale, prononcée un mois après son arrivée à Matignon, François Bayrou a rendu ses arbitrages sur la réforme des retraites, qu’il a souhaité remettre en chantier « sans tabou », à l’issue de difficiles tractations engagées avec une partie de la gauche, pour écarter le spectre d’une motion de censure, sans pour autant braquer ses alliés républicains et macronistes.
Le premier ministre a, en outre, souligné la nécessité d’adopter sans tarder les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale pour 2025, toujours en souffrance, en dépit de « l’épée de Damoclès de la motion de censure » qui « paraît avoir installé la précarité au sommet de l’Etat ». Dans cette perspective, il a promis « des économies importantes », sans en préciser la nature, et « un puissant mouvement de réforme de l’action publique », avec des « budgets repensés ». Voici les principaux points de son discours :
Remise « en chantier » de la réforme des retraites
François Bayrou a souhaité remettre la réforme des retraites « en chantier », en réunissant les partenaires sociaux dès vendredi et en demandant « une mission flash » à la Cour des comptes pour établir un diagnostic. « La loi de 2023 a prévu que l’âge légal de départ passerait à 63 ans fin 2026. Une fenêtre de tir s’ouvre donc. Je souhaite fixer une échéance à plus court terme, celle de [cet] automne (…). Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite – les fameux 64 ans –, à condition qu’elle réponde à l’exigence fixée », a-t-il ajouté. Le premier ministre prévient cependant que, « si les partenaires ne s’accordent pas, c’est la réforme actuelle qui continuerait à s’appliquer ».
Création d’un fonds spécial consacré à la réforme de l’Etat
Le premier ministre a annoncé la création d’un fonds spécial « entièrement [consacré] à la réforme de l’Etat », estimant que les « 1 000 agences ou organes de l’Etat constituent un labyrinthe dont un pays rigoureux peut difficilement se satisfaire ». Ce fonds sera financé par des actifs « en particulier immobiliers, qui appartiennent à la puissance publique, de façon à pouvoir investir, par exemple, dans le déploiement de l’intelligence artificielle dans nos services publics », a-t-il précisé.
Création d’une « banque de la démocratie »
Souhaitant que les partis « puissent se financer sans avoir besoin de passer par des stratégies de contournement », le premier ministre a dit vouloir « la création d’une banque de la démocratie pour que le financement des partis politiques et des campagnes ne dépende plus de choix de banques privées, mais puisse éventuellement être le fait d’organismes publics placés sous le contrôle du Parlement ».
Réforme du mode de scrutin
François Bayrou a proposé d’avancer « sur la réforme du mode de scrutin législatif » avec « un principe proportionnel », soulignant qu’il devra « être enraciné dans les territoires ». Cette réforme « nous obligera à reposer en même temps la question de l’exercice simultané d’une responsabilité locale et nationale », a ajouté le premier ministre.
Révision de la prévision de croissance et de l’objectif du déficit
« Le gouvernement a décidé de revoir sa prévision de croissance pour 2025, elle était de 1,1 % avant la censure, nous la fixons à 0,9 %, conformément aux prévisions de la Banque de France. Il sera proposé de fixer l’objectif de déficit public pour 2025 à 5,4 % du PIB », a annoncé le chef du gouvernement, ajoutant que l’effort demandé aux collectivités ne sera pas de 5 milliards d’euros, comme l’envisageait le gouvernement Barnier, mais de 2,2 milliards.
Reprise de l’étude des cahiers de doléances des « gilets jaunes »
« Nous devrons reprendre l’étude des cahiers de doléances qui ont été présentés par les “gilets jaunes” », juge François Bayrou, afin que s’expriment « les attentes souvent les plus inexprimées qui sont celles des milieux sociaux exclus du pouvoir ».
Corse
Le chef du gouvernement a promis de « respecter » le calendrier « pour aboutir à une évolution constitutionnelle fin 2025 » pour la Corse. Le processus dit de Beauvau, visant à accorder davantage d’autonomie à la Corse, avait été initié en 2022 par Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, à la demande d’Emmanuel Macron, mais la dissolution de l’Assemblée nationale, en juin 2024, a mis un terme aux discussions. De nombreux élus de l’île craignaient son abandon.
Nouvelle-Calédonie
Le premier ministre a souhaité que des négociations reprennent et aboutissent à la fin de ce trimestre. « J’inviterai, en janvier, les forces politiques à venir à Paris pour ouvrir ces négociations, en demandant au ministre des outre-mer de suivre particulièrement ce dossier », a-t-il annoncé, jugeant que l’archipel « doit construire son avenir ».
Immigration
« Il est de notre devoir de conduire une politique de contrôle, de régulation et de retour dans leur pays de ceux dont la présence met en péril, par leur nombre, la cohésion de la nation », a déclaré François Bayrou. Affirmant que 93 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne sont pas exécutées, le chef du gouvernement compte réactiver « le comité interministériel de contrôle de l’immigration ».
Education
« Je pense que, dans notre système scolaire et universitaire, il faut que puissent être acceptés et même favorisés les réorientations, les changements de formation », a déclaré le premier ministre. « Parcoursup est une question », a-t-il poursuivi, souhaitant par ailleurs la promotion de la lecture alors que « les écrans ont pris désormais le pas sur tout autre mécanique de transmission des connaissances ». « Cet enjeu est un enjeu national », a-t-il souligné.
Environnement
« L’écologie, au contraire de ce que certains pensent, n’est pas le problème, c’est la solution, en tout cas la solution que nous privilégions », a déclaré François Bayrou.
Agriculture
François Bayrou s’est engagé à remettre en question « les pyramides de normes en donnant l’initiative aux usagers. Ceux que l’on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles », a-t-il estimé, au lendemain d’une rencontre avec les principaux syndicats agricoles.
Logement
François Bayrou s’est prononcé pour « une politique du logement repensée et de grande ampleur ». « Nous pouvons aller plus loin encore en réduisant les délais, en allégeant les demandes d’autorisation, en favorisant la densification, en facilitant les changements d’usage », a-t-il estimé, ajoutant que « cela suppose de relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété ».
Santé
Le gouvernement proposera « une hausse notable » de l’objectif national de dépenses de l’Assurance-maladie, « ce qui permettra d’améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles », a promis le chef du gouvernement. Par ailleurs, « la mesure de déremboursement de certains médicaments et de consultations [envisagée lors des discussions budgétaires sous le gouvernement Barnier] ne sera pas reprise », a-t-il ajouté. Le premier ministre a également promis « le remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025 ».