S’il faut désigner l’homme fort de l’année écoulée, celui qui prend la tête dans le trio des supergrands, alors la palme revient à Xi Jinping. Sourire toujours un tantinet condescendant, silhouette altière et très léger embonpoint, costume noir et cravate rouge, le président chinois s’est imposé en primus inter pares devant Donald Trump et Vladimir Poutine. Sans jamais jouer les fiers-à-bras ni se départir de la tranquille assurance qui est la sienne. Comme si le premier rôle lui revenait tout naturellement – après tout, l’empereur, dans la tradition chinoise, n’est rien moins que le fils du ciel.
La question ne relève pas uniquement du sujet de fin d’année. Elle touche aux représentations réciproques : celle que la Chine a d’elle-même, qui conditionne le regard qu’elle porte sur les Etats-Unis. A tort ou à raison, Xi paraît convaincu que l’Amérique de Donald Trump est sur le retrait, écrit la journaliste Li Yuan dans le New York Times – lequel, dans son édition du 23 décembre, scrute l’image que les deux plus grandes économies du monde se font d’elles-mêmes. Paradoxalement, le grand mégalomane occupant aujourd’hui la Maison Blanche présiderait, aux yeux des Chinois, au déclassement accéléré de son pays. Mais Pékin peut se tromper.
Comme Moscou s’est fourvoyé en croyant qu’une « opération spéciale », lancée en février 2022, permettrait à la Russie d’en finir avec l’indépendance de l’Ukraine. Saisi d’une crise d’hubris aiguë, Poutine, à la tête d’un arsenal nucléaire sans égal, a surestimé ses capacités militaires et sous-estimé la force du patriotisme ukrainien. Cette double erreur de représentation, de soi et de l’autre, l’a mis dans les mains de l’empire du Milieu. Le Russe est aujourd’hui dépendant de la Chine. L’armée russe ne serait pas où elle est en Ukraine sans l’appui matériel constant de son voisin de l’Est. L’économie russe est sous perfusion permanente d’importations chinoises. Poutine serait isolé sur la scène internationale sans la protection que lui assure le pacte d’« amitié sans limites » conclu le 4 février 2022 avec Xi.
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