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Le Front populaire ? Elles l’ont bien connu, dans sa version originelle. Elles avaient alors la vingtaine, l’âge des prétendants, du mariage ou du premier enfant. Plus vertigineux, encore : ces trente-six personnes étaient déjà nées début août 1914, lors de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France. Trente-cinq femmes et un homme âgés de 110 à 114 ans vivent aujourd’hui dans l’Hexagone.

« Supercentenaires », les nomme l’Institut national d’études démographiques (INED) dans une étude parue en avril – « Vivre au-delà de 105 ans : quand l’improbable devient réalité ». Parmi les 31 000 centenaires actuels, écrivent les chercheurs, « les années récentes ont vu s’imposer une nouvelle classe d’âge, les 105 ans ou plus, dont le nombre était estimé à près de 2 000 dans le monde au 1er janvier 2023 ». La classe des grands. Dans ses rangs, « dépasser 110 ans reste un événement rare, lit-on, mais sa fréquence s’est à son tour fortement accrue dans les dernières décennies ».

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Les premiers trompe-la-mort de 110 printemps et plus ont été repérés au mitan des années 1960. « En France, ils étaient cinq dans les années 1990, une dizaine il y a vingt ans, une vingtaine dans les années 2010, ils approchent la quarantaine désormais. La progression est exponentielle, au même rythme que celle des centenaires, relève le démographe et épidémiologiste Jean-Marie Robine. Même si la mortalité des plus de 90 ans diminue peu, il y aura dans soixante ans autant de supercentenaires que de centenaires aujourd’hui. Ce qui compte, c’est le nombre de candidats au départ de la course à la longévité. » Or, sur la ligne de départ, en 2070, l’Insee prévoit plus de 200 000 centenaires.

Un riche vocabulaire délicieusement désuet

Qu’est-ce que la vie, une fois planté le chiffre 110 sur le gâteau d’anniversaire ? Avec Denise Leroy, qui fêtera ses 111 ans le 3 juillet, et six familles de supercentenaires (dont celle de Marie-Rose Tessier, 114 ans, la doyenne des Français), nous avons pénétré dans un drôle de monde. Les enfants y sont nonagénaires et croisent à l’Ehpad, visitant leur mère, des résidents de leur âge. Les petits-enfants s’annoncent au téléphone d’un troublant : « Je suis la petite-fille, j’ai 72 ans… » Les descendants, sur quatre générations, se dénombrent laborieusement, en évitant de confondre arrière-petits-enfants et arrière-arrière-petits-enfants.

L’on y entend parler du président Armand Fallières (1906-1913), des ballons dirigeables de 1914-1918 et du Titanic. D’une dame veuve depuis quatre-vingt-un ans (Marie-Rose Tessier), qui a connu une « période très agréable de retraite, dans les années 1985 », selon sa petite-fille. D’une ex-institutrice de 112 ans (Aline Blain) installée dans le même Ehpad du Vaucluse que certaines de ses anciennes élèves de plus de 80 ans. De familles catholiques supportant mal l’idée que leur fille fréquente un athée. De toilette du visage à l’eau-de-vie, de lessive à la rivière, de déplacements en charrette… « Ma mère est une fenêtre sur le passé », apprécie Pierre-Yves Leroy, 76 ans, l’un des quatre fils de Denise.

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