C’est la première fois que Mark Costa, le PDG d’Eastman, se rend à Davos, en Suisse. Mais le patron du chimiste américain connaît bien l’Europe, et surtout la Normandie. C’est là qu’il a prévu d’implanter une usine de recyclage chimique de plastiques, la seconde après celle construite à Kingsport, dans le Tennessee, à bénéficier d’une technologie moléculaire dernier cri, dont il est prêt à parler pendant des heures. Sauf que cet investissement de 1 milliard d’euros, annoncé en 2022, a été suspendu en décembre.

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La raison ? Une directive européenne sur les emballages de mars 2024, qui ouvre la porte aux importations de plastiques recyclés, en provenance de Chine notamment. Pourquoi, dès lors, Danone, Nestlé ou Unilever iraient s’approvisionner à Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime) s’ils peuvent fabriquer leurs bouteilles à partir d’une matière recyclée moins onéreuse même si elle vient du bout du monde ? C’est tout le paradoxe.

Pour sécuriser son investissement massif, Eastman cherchait depuis des mois à signer des contrats à long terme avec des industriels de l’agroalimentaire. Le chimiste pensait y parvenir, mais, depuis la publication du nouveau règlement européen, les portes se sont fermées : c’est pourquoi il préfère temporiser, espérant que les curseurs vont bouger. « Si vous permettez à du plastique recyclé, à très bas prix, d’entrer en Europe, la demande pour du recyclage opéré localement disparaît, déplore M. Costa. Cela pénalise l’industrie du recyclage et rend difficile d’investir sur des technologies innovantes. En outre, les déchets plastiques européens ne sont pas traités. Vous ne créez pas une économie circulaire. »

Les limites du volontarisme européen

Pendant ce temps-là, le projet d’Eastman de bâtir une nouvelle usine au Texas avance à grand pas. Là-bas, le chimiste a réussi à signer un contrat à long terme avec Pepsi et il bénéficie d’un soutien financier de quelque 500 millions de dollars grâce à l’Inflation Reduction Act (IRA). « Protéger sa base industrielle, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, est essentiel pour soutenir la croissance de l’économie », martèle-t-il.

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