
Retrouvez ici toutes les chroniques « On ne l’avait pas vu venir ».
Depuis plusieurs années, la saison des fêtes est précédée d’une autre saison, celle des articles de presse expliquant comment ne pas s’écharper en famille lors des repas de réveillon. A les lire, on pourrait croire que parents, oncles et tantes sont tous devenus plus pénibles, leurs rejetons moins bien élevés. Une autre piste d’explication suggère qu’à une époque où les algorithmes ne nous exposent plus qu’à des opinions a priori compatibles avec les nôtres, où les textos et les messages vocaux permettent d’éviter le risque d’une conversation inconfortable et où ChatGPT s’émerveille de tout ce qu’on lui dit, le repas de famille est devenu le dernier espace où l’on prend encore le risque d’être contredit. Un lieu sans bouton « mute », sans possibilité de quitter la discussion.
C’est arrivé près de chez vous
Voilà que des adultes émus en regardant le loup de la pub Intermarché dîner avec des animaux de la forêt trouvent surhumain de s’attabler avec des mammifères de la même espèce qu’eux. On attend – avec appétit – de savoir comment les hérissons et les écureuils réagiront quand ils découvriront pour qui vote le loup. Voilà que, dans la vraie vie, on s’est mis à espérer une compatibilité idéologique totale pour partager un repas de fête. Depuis la chanson Défaite de famille d’Orelsan, en 2017, jusqu’à l’article de Télérama « Dix scènes de films et séries pour conjurer la malédiction des repas de famille », mis en ligne le 14 décembre, la tablée familiale n’est plus jamais présentée que comme une figure imposée, une épreuve à surmonter. La liste des sujets minés n’en finit plus de s’allonger. Non, pas la politique, tout le monde sait que c’est inflammable. Mais aussi Paris contre la province, les vaccins, les écoles Montessori, les naturopathes, le féminisme qui va trop loin, le féminisme qui ne va pas assez loin, l’éducation des enfants des autres.
On aurait dû s’en douter
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