Livre. Comme de nombreuses intellectuelles, la philosophe Manon Garcia a assisté, à l’automne 2024, au procès des viols de Mazan – et comme beaucoup d’entre elles, elle y a puisé de quoi nourrir sa réflexion sur le consentement, les féminismes, le patriarcat ou les masculinités.

Lorsqu’elle s’est rendue au palais de justice d’Avignon, cette spécialiste des relations entre les hommes et les femmes a rencontré les militantes qui applaudissaient tous les matins Gisèle Pelicot, croisé les accusés dans la salle des pas perdus, discuté avec les avocats pendant les suspensions d’audience, et surtout, assisté aux débats devant la cour criminelle du Vaucluse.

Ces échanges constituent la matière première de Vivre avec les hommes (Flammarion, 232 pages, 21 euros), un livre singulier et personnel qui mêle récit d’audiences et analyse philosophique : on y croise à la fois la philosophe Hannah Arendt et l’accusé « Christian L. », l’anthropologue Dorothée Dussy et Gisèle Pelicot, la sociologue Raewyn Connell et l’accusé « Patrick A. ».

Clichés sexistes

Professeure de philosophie à la Freie Universität de Berlin, autrice d’On ne naît pas soumise, on le devient (Flammarion, 2018) et de La Conversation des sexes. Philosophie du consentement (Flammarion, 2021), Manon Garcia ne cherche pas, dans cet ouvrage, à chroniquer le procès d’Avignon au jour le jour, mais à « dénouer, en philosophe, les fils qui s’y trouvent mêlés ».

Lire la tribune : Article réservé à nos abonnés Manon Garcia, philosophe : « Croire qu’il suffit de définir le viol par le non-consentement pour y mettre fin est illusoire »

Pour l’autrice, ce procès suivi par le monde entier nous renvoie en effet une interrogation vertigineuse : si Dominique Pelicot est parvenu à recruter au moins 70 violeurs à moins de 50 kilomètres de son domicile ; si, devant des « vidéos accablantes », tant d’accusés ont cherché à nier les faits ou leur intention de les commettre ; si la plupart d’entre eux semblaient « si peu honteux de ce qu’ils avaient fait et si prompts à se trouver des excuses » ; si leurs avocats ont utilisé tant de clichés sexistes et ont défendu leurs clients en les déresponsabilisant, comment balayer, se demande-t-elle, la question lancinante qui la taraude depuis des années : « Peut-on vivre avec les hommes ? »

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