Il rêvait d’un atelier à Saint-Germain-des-Prés, à deux pas du Musée d’Orsay et des cinémas du Quartier latin qu’il fréquente assidûment. Aussi, quand cette loge de gardien d’un immeuble du XVIIIe siècle s’est libérée, Victor Cadene a saisi l’occasion de quitter Bourron-Marlotte, un village de Seine-et-Marne prisé des artistes, près de Fontainebleau, où il vivait depuis deux ans, pour retrouver l’effervescence parisienne. L’endroit est petit, deux pièces en enfilade, mais doté d’une belle hauteur sous plafond. En quelques touches – un secrétaire des années 1940 recouvert de parchemin, une banquette Directoire, un bureau de chêne blanc qui se transforme, une fois les rallonges tirées, en table pour les dîners improvisés –, Victor Cadene a su en faire un écrin précieux.

« Les chaises en ébène ont été sourcées à l’époque par Madeleine Castaing pour la maison Nina Ricci, précise-t-il. Mais, ici, ce n’est pas un showroom, c’est vraiment un lieu où je montre mon savoir-faire, ouvert sur rendez-vous. » A gauche, une grande étagère abrite une collection de beaux livres qui traduit l’éclectisme de ses influences : de l’âge de la fonte à l’architecte italien Gio Ponti, des Nabis au couturier Jacques Doucet et, au sommet de son panthéon, les peintres de la Renaissance. « Je n’ai pas l’amour de l’art pour l’érudition mais pour la sensation », explique celui qui voit dans les tableaux du Quattrocento une foultitude de détails, des chiens difformes et des dauphins étranges, qui stimulent son imaginaire.

Du genre contemplatif, Victor Cadene observe beaucoup et recompose ensuite les inspirations piochées un peu partout dans des tableaux de papiers découpés, assemblés puis collés, représentant intérieurs raffinés et jardins poétiques qui semblent avoir traversé le temps. Cet autodidacte, comme il le rappelle souvent (après un bac arts appliqués et un échec au concours des Beaux-Arts de Lyon, il se met très vite à travailler dans des galeries d’arts décoratifs), ose peut-être davantage s’affranchir des styles, compilant librement tout ce qui lui plaît, à l’image de cette chaise italienne des années 1960 recouverte d’un motif néogothique du XIXe siècle. En fond sonore, une playlist déroule les voix suaves de crooneurs italiens et des tubes des années 1980, faisant planer sur l’atelier une douce nostalgie.

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