Les juges conservateurs de la Cour suprême des Etats-Unis ont accordé une victoire politique à Donald Trump, le 27 juin, qui s’en est bruyamment félicité. En estimant devoir limiter la capacité des juges fédéraux à suspendre les décrets du pouvoir exécutif, la Cour suprême a décidé d’arbitrer en défaveur du pouvoir judiciaire dont elle est la plus haute instance. Cette soumission s’ajoute à celle du Congrès, les majorités républicaines en place au Sénat et à la Chambre des représentants ayant déjà abdiqué une bonne partie de leurs responsabilités face à Donald Trump.
Il n’est guère contestable que les injonctions universelles, qui permettent à un seul juge fédéral de bloquer un décret présidentiel, ont toujours été considérées comme outrancières par le parti en place à la Maison Blanche. Les six juges conservateurs, qui se sont émus dans leur arrêt de ce qu’ils ont considéré comme un abus de pouvoir, contre l’avis des trois juges progressistes, n’avaient pourtant rien trouvé à redire lorsque ces injonctions visaient des décrets signés par le démocrate Joe Biden, de 2021 à 2025.
A ce biais patent s’ajoute le contexte. La Cour suprême avait été saisie pour vérifier la conformité d’un décret supprimant le droit du sol qui violait manifestement le 14e amendement de la Constitution. Au lieu de répondre sur le fond, inconfortable pour l’administration de Donald Trump, la Cour suprême a répondu sur la forme. Elle a certes préservé une voie de contestation en disposant qu’un tel décret ne pouvait entrer immédiatement en vigueur, ouvrant ainsi la possibilité de recours collectifs, mais cette tactique d’évitement, outre le chaos qu’elle risque d’engendrer selon la couleur politique des Etats, pourrait abîmer une image déjà dégradée.
Un passé piétiné
Avant même la décision du 1er juillet 2024 accordant à Donald Trump une large immunité pour les décisions prises pendant son premier mandat, la majorité conservatrice n’a en effet cessé de contribuer au renforcement du pouvoir exécutif. La latitude nouvelle accordée au républicain pour limoger sans justification fondée des responsables d’agences fédérales, à l’exception de la Réserve fédérale, a confirmé cette volonté.
Il est fâcheux que cette intention de revenir sur les « freins et contrepoids » américains, notamment ceux ajoutés à l’architecture institutionnelle des Etats-Unis après les excès de la présidence du républicain Richard Nixon, coïncide avec le retour au pouvoir de Donald Trump. De la scandaleuse contestation, fondée sur le néant, des résultats de la présidentielle de 2020 à l’invraisemblable stockage de documents classifiés dans sa résidence privée après son départ piteux du pouvoir, Donald Trump a suffisamment fait l’étalage de son mépris envers les normes et le droit. Signé au premier jour de son second mandat, le décret revenant sur le droit du sol introduit en 1868 dans la Constitution des Etats-Unis en apportait une nouvelle preuve.

Il est prévisible, hélas, que cet accroissement du pouvoir présidentiel survive à la prochaine alternance. Tant que le Congrès restera paralysé par ses divisions, il est peu probable qu’un président démocrate renonce de lui-même à ces leviers supplémentaires. On ne peut donc que regretter qu’un mouvement politique prônant officiellement le retour à « la grandeur de l’Amérique » piétine ainsi son passé institutionnel. Les Etats-Unis n’ont rien à y gagner.