Le débat sur la loi Duplomb sera-t-il relancé grâce à une pétition ? La pétition contre la loi Duplomb a dépassé, dimanche 20 juillet, à 17 h 50, la barre du million de signatures sur le site de l’Assemblée nationale, ravivant les querelles autour de ce texte très contesté qui pourrait être au cœur d’un débat inédit devant le Parlement. A 17 h 53, le nombre de signatures avait atteint 1 001 411.
Samedi 19 juillet, vers 16 heures, le texte demandant l’abrogation de la loi, déposé sur le site de l’Assemblée nationale, avait franchi 500 000 signatures, seuil qui permet à la conférence des présidents de l’Assemblée nationale de s’en saisir pour organiser un débat en séance publique, si les signatures sont issues d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer.
La conférence peut aussi, cependant, décider de la classer. Et, dans le cas contraire, seule la pétition serait débattue : la loi ne serait pas réexaminée sur le fond, et encore moins éventuellement abrogée. Aucune pétition n’a jamais été débattue dans l’Hémicycle, dans l’histoire de la Ve République. Contacté par l’Agence France-Presse (AFP), le ministère de l’agriculture n’a pas souhaité réagir.
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’est dit, dimanche sur Franceinfo, « favorable » à l’organisation d’un tel débat. Mais il « ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée » qui va, selon elle, « sauver un certain nombre de nos agriculteurs ». L’auteur de la loi, le sénateur (Les Républicains) Laurent Duplomb, estime aussi que ce débat inédit va avoir lieu. Mais il s’inquiète d’« une concurrence déloyale » pour les agriculteurs si le texte, qui permet la réintroduction d’un pesticide interdit en France mais autorisé en Europe, n’était pas mis en œuvre.
« Grâce à votre mobilisation, l’Assemblée nationale devra à nouveau débattre de ce texte qui met en danger notre planète et notre santé ! », a assuré de son côté La France insoumise, dans un message sur X relayé par son leader, Jean-Luc Mélenchon. Le patron des députés socialistes, Boris Vallaud, a réclamé l’inscription de la pétition à l’ordre du jour de l’Assemblée « dès la rentrée » pour permettre un débat. « Face aux lobbies, nous sommes des millions : l’écologie contre-attaque », s’est félicitée sur X la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, tandis que l’ancienne ministre et députée Génération Ecologie Delphine Batho demandait à Emmanuel Macron de « ne pas promulguer » la loi.
A l’inverse, Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA, premier syndicat agricole, très favorable à la loi Duplomb, a estimé que l’agriculture française « disparaîtra » si on lui impose « des normes supérieures » à celles de ses voisins européens. « Tout recommencer serait une grande perte de temps et une finalité perdante pour le monde agricole », a jugé, de son côté, Quentin Le Guillous, secrétaire général des Jeunes agriculteurs. « On va de problèmes en problèmes. Quand on n’aura plus d’agriculteurs, il n’y aura plus besoin de faire des pétitions », a également commenté Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole.
La loi avait été fervemment défendue par la FNSEA et son allié des Jeunes Agriculteurs, qui étaient venus manifester devant le Palais-Bourbon avec leurs tracteurs.
Une loi « pas du tout soutenue par la société »
La Confédération paysanne en revanche avait combattu le texte. Pour ce syndicat, la pétition montre que la loi Duplomb « n’est pas du tout soutenue par la société ». Elle « dit beaucoup du ras-le-bol silencieux d’une majorité de Françaises et Français à l’égard d’une classe politique trumpisée, qui n’a de cesse de sacrifier l’écologie sur l’autel de l’agro-industrie », a renchéri l’association Agir pour l’environnement.
De son côté, le collectif Cancer Colère a estimé que le succès rencontré par la pétition constituait « une première étape ». « Tout a été fait pour que la loi Duplomb soit votée en catimini, c’est raté », a réagi auprès de l’AFP la porte-parole de ce collectif, Fleur Breteau, qui voit dans l’engouement suscité par la pétition le signe d’« une prise de conscience que l’heure est grave et que c’est à nous, société civile, de prendre le relais ». « C’est le début d’une nouvelle séquence politique à laquelle je pense ni le gouvernement ni les 316 députés qui ont voté la loi ne s’attendaient », a-t-elle ajouté.
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La pétition a été lancée le 10 juillet, deux jours après l’adoption définitive de la loi et sa mesure très contestée de réintroduction de l’acétamipride, par Eléonore Pattery, étudiante en master de 23 ans. Dans le texte, l’étudiante, qui se présente comme une « future professionnelle de la santé environnementale », écrit que la loi Duplomb « est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire », avant de demander « son abrogation immédiate ».
La pétition a été beaucoup relayée sur les réseaux sociaux par des élus de gauche, mais aussi par des personnalités comme l’acteur Pierre Niney.
Parcours expéditif de la loi
La loi Duplomb autorise de nouveau par dérogation l’usage de l’acétamipride, un pesticide interdit en France, mais autorisé ailleurs en Europe jusqu’en 2033. Le produit est notamment réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n’avoir aucune autre option contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale.
A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre « un tueur d’abeilles ». Ses effets sur l’humain sont aussi source de préoccupations, même si les risques restent incertains, faute d’études d’ampleur.

La pétition réclame également « la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée ». Au Parlement, la loi a eu un parcours expéditif : après avoir fait l’objet d’une motion de rejet préalable à l’Assemblée, un compromis avait été trouvé en commission mixte paritaire, puis voté successivement au Sénat et au Palais-Bourbon.
L’absence de réel débat dans l’Hémicycle est l’un des arguments avancés par les députés de gauche qui ont déposé un recours le 11 juillet devant le Conseil constitutionnel, espérant sa censure pour vice de procédure. A ce stade, c’est l’option la plus réaliste pour empêcher sa promulgation.