Souvent décriés, non sans raison, pour leur passivité, les pays arabes ont pris l’initiative dans le conflit israélo-palestinien en adoptant, mardi 4 mars, un plan ambitieux de reconstruction de la bande de Gaza. Alors qu’un cessez-le-feu extrêmement précaire perdure dans l’étroite bande de terre ravagée par la riposte israélienne à l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 perpétrée par le Hamas, il faut saluer ce plan qui vise à donner un horizon à une population plongée dans le plus extrême dénuement.

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Son contenu peut certainement faire l’objet d’améliorations, étant donné le double défi que constituent la reconstruction et l’administration de Gaza, mais ses principes reposent sur une appréciation réaliste de la situation. Le montant estimé, supérieur à 50 milliards de dollars (46,2 milliards d’euros), est d’ailleurs conforme aux estimations des Nations unies.

La volonté de mettre à l’écart la milice islamiste relève elle aussi de l’évidence, tant le Hamas s’est disqualifié auprès de ceux qu’il prétend représenter après les massacres du 7-Octobre et en se servant d’eux comme de boucliers humains face à la riposte totalement disproportionnée de l’armée israélienne. Le souci d’inscrire cette reconstruction dans le projet politique de la solution des deux Etats témoigne également de la fidélité des pays arabes à un principe qui a toujours conditionné une normalisation totale avec l’Etat hébreu à une autodétermination palestinienne dans les territoires conquis par la force par Israël en 1967.

Rejet israélien regrettable

Attendu, le rejet immédiat de ce plan par les autorités israéliennes, qui continuent par ailleurs d’interdire l’accès de Gaza à la presse, n’en est pas moins très regrettable, parce qu’elles ont été incapables jusqu’à présent de présenter la moindre alternative et parce qu’elles semblent considérer, plus que jamais, que leurs voisins arabes, y compris ceux qui ont conclu avec elles des accords ayant fait la preuve de leur solidité, n’ont aucun mot à dire dans les affaires qui concernent la région tout entière. Dire non à tout, toujours, condamne à des impasses dont on a vu ce qu’elles produisent de dramatique et de désespérant.

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Pour le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, ouvrir la page du « jour d’après » signifierait solder les comptes du « jour d’avant », c’est-à-dire des choix politiques qui ont abouti à la catastrophe du 7-Octobre. L’armée et les renseignements intérieurs israéliens ont procédé à une douloureuse introspection, mais le premier ministre s’y refuse.

Son gouvernement dispose, il est vrai, à Washington, d’un allié politique et idéologique qui ne peut que le pousser à l’intransigeance. Cette dérive américaine est illustrée par l’accueil du ministre d’extrême droite suprémaciste Bezalel Smotrich par son homologue du Trésor, Scott Bessent, et plus encore par la suggestion aussi immorale que chimérique faite par Donald Trump de vider la bande de Gaza de ses habitants pour la transformer en un projet immobilier.

Il faut souhaiter que les pays arabes tiennent bon sur leur plan de reconstruction de Gaza, auquel les principaux pays européens que sont l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et la France ont apporté leur soutien. Il réaffirme en effet le principe qui avait été tragiquement occulté lors des premiers accords d’Abraham conclus en 2020 entre l’Etat hébreu et Bahreïn, les Emirats arabes unis et le Maroc : la paix à laquelle aspire toute la région ne peut procéder de la négation des droits légitimes d’un peuple.

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Le Monde

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