Créé il y a vingt-cinq ans pour fournir à la gouvernance économique mondiale un instrument plus large que le G7, club des pays les plus riches, et mieux adapté face aux crises financières planétaires, le G20 est à son tour l’expression de la décomposition de l’ordre international et de l’affaiblissement de l’influence occidentale.

Le sommet qui s’est tenu les 18 et 19 novembre à Rio de Janeiro, sous présidence brésilienne, sans résultat notable à un moment de grandes tensions sur la scène mondiale, en a fourni une parfaite illustration. Pour éviter d’afficher la discorde des participants sur les conflits en Ukraine et au Proche-Orient, le président Luiz Inacio Lula da Silva a choisi d’escamoter le sujet.

C’est pourtant bien la guerre qui a expliqué l’absence du président Vladimir Poutine, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et qui préfère éviter de voyager dans les pays signataires de cette juridiction. Mais le dirigeant russe a manifesté sa présence d’une autre manière, par une pluie de bombardements sur les villes d’Ukraine : même impuissants à en débattre ouvertement, les participants au G20 ne pouvaient faire comme si la guerre n’existait pas.

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L’ombre de Donald Trump, avec les incertitudes commerciales et économiques liées à la perspective de son retour à la Maison Blanche en janvier 2025, a inévitablement plané sur le sommet. En période de transition, les présidents américains sortants sont traditionnellement affublés de l’image de « lame duck » (« canard boiteux »). A Rio, le président Joe Biden est apparu d’autant plus affaibli que son homologue chinois, Xi Jinping, lui a largement volé la vedette. La tenue du G20 à Rio, juste après celle du sommet des pays d’Asie-Pacifique (APEC) au Pérou, assortie de quelques visites d’Etat bilatérales, notamment au Brésil, a permis au numéro un chinois d’opérer une offensive diplomatique d’une telle ampleur qu’il a donné l’impression que l’influence de son pays avait détrôné celle des Etats-Unis en Amérique du Sud.

Crise du multilatéralisme

Aucune avancée notable n’a pu être enregistrée sur les autres dossiers du moment. L’échec du G20 à mentionner spécifiquement dans la déclaration finale la nécessité de sortir des énergies fossiles a été perçu par les négociateurs présents à la COP29, réunie à Bakou jusqu’au 22 novembre, comme un signe de l’effet négatif de l’élection de Donald Trump sur la lutte contre le changement climatique.

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La taxe sur la fortune des milliardaires, portée par le président Lula et soutenue notamment par la France, est restée au stade incantatoire. Le G20 a certes convenu que l’efficacité de l’imposition des super-riches devait être améliorée, mais il s’est limité à des positions de principe sur l’échange d’informations et le nécessaire débat sur l’évasion fiscale : aucune ébauche de réforme n’a été lancée. Celle-ci ne pourrait voir le jour qu’avec le soutien des Etats-Unis, le pays qui compte le plus de milliardaires.

L’administration Biden était déjà sceptique sur le projet, poussé par l’économiste Gabriel Zucman, de prélever 2 % sur la fortune des 3 000 personnes les plus riches de la planète. L’arrivée de Donald Trump, qui a promis de continuer à réduire les impôts, risque de paralyser G20 sur ce sujet pour les quatre prochaines années.

S’il fallait un signe supplémentaire de la crise du multilatéralisme, alors que le Conseil de sécurité des Nations unies vient encore de prouver sa paralysie, ce G20 aura parfaitement rempli sa mission.

Le Monde

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