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Histoires Web dimanche, janvier 26
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FRANCE CULTURE – À LA DEMANDE – PODCAST

« Expérience ». Il y en a souvent de belles. La bulle sonore produite par Aurélie Charon diffusée sur France Culture le 30 novembre, et réécoutable à l’envi, l’était particulièrement. Parce que, pendant une heure, nous sommes partis en voyage. Par la seule magie du son, nous nous sommes retrouvés au Brésil. A Copacabana, dans le dernier immeuble qui surplombe la mer. C’est là qu’habitait la grand-mère de Carolina Sá, qui a eu envie de la donner à entendre. Ou plutôt de les donner à entendre.

Soit donc Dona Therezinha, la patronne, et Jaciara, la bonne. Pendant dix ans, Carolina Sá les a enregistrées. Les a écoutées, parfois questionnées. Parfois présente, parfois de l’autre côté de l’Atlantique. Pour garder une trace sans doute de sa grand-mère, toujours impeccablement mise. Pour tenter de comprendre, à travers ce drôle de couple, quelque chose de ce Brésil déchiré entre Lula et Bolsonaro.

Mais d’abord il faut entrer. Ici, même si les règles ne sont pas écrites, chacun sait s’il peut passer par l’entrée principale ou s’il doit emprunter la porte de service. Petite-fille de la patronne, Carolina Sá peut ouvrir la première. Là, alors que la véranda laisse voir un Rio de carte postale, se trouve la salle à manger où se donnaient des dîners chics. De l’autre côté du couloir, c’est la cuisine, royaume de Jaciara, qui travaille ici depuis trente-deux ans. Deux ambiances et deux mondes.

« Règles sociales »

L’une est née en 1928 dans une plantation de cacao, et, après le décès de sa mère quand elle n’avait que 9 mois, a été élevée par ses oncle et tante, « et une armée de domestiques » (ajoute Carolina Sá, qui se fait narratrice). Dona Therezinha raconte son enfance heureuse, un père propriétaire terrien qui revenait de ses voyages avec des histoires et des cadeaux, l’école où elle apprend à devenir une jeune fille exemplaire, son mariage à 17 ans. Jaciara est née en 1955, son père n’était jamais là, elle a quitté l’école à 12 ans, ne sait ni lire ni écrire et, à 30 ans, avait quatre enfants de quatre pères différents, qui ne les ont pas reconnus. « C’est la vie », dit-elle simplement.

Jaciara et Dona Therezinha, à Copacabana (Brésil).

Nous sommes en 2009, Carolina Sá a 30 ans et, alors qu’elle vient de s’installer au Brésil (qu’elle devra quitter pour des raisons qu’elle ne partage pas ici), elle n’est pas sûre de comprendre « les règles sociales qui dressent des frontières invisibles partout ». Alors, elle traverse le couloir entre le monde de sa grand-mère et celui de Jaciara. Alors, elle s’intéresse aux télénovelas que l’une et l’autre regardent, et commentant à chaque pause publicitaire.

Neuf ans plus tard, retournée au Brésil pour les 90 ans de sa grand-mère, elle trouve un pays en proie au désespoir et embourbé dans des affaires de corruption. Alors que Netflix a pris place dans le salon, le Covid-19 viendra séparer les mondes davantage encore. Bientôt, l’élection de Bolsonaro, surnommé le « Trump des tropiques », finira de plomber le moral de sa grand-mère, et le pays.

Mais, et bien que cette « Expérience » ne soit en rien l’épisode résolutif d’une série addictive, nous ne divulguerons pas ce qui arrive à Dona Therezinha, la patronne, et à Jaciara, la bonne. Seulement que, à travers leur histoire, et alors que Maria Bethânia chante Pra dizer adeus, c’est un bout du Brésil qui se raconte.

Un drôle de couple : la patronne et la bonne, de Carolina Sá, réalisé par Félix Levacher (Fr., 2024, 58 min). Sur Radiofrance.fr et toutes les plateformes d’écoute habituelles.

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