La France compte 271 000 victimes de violences conjugales enregistrées par les services de sécurité, dont 85 % de femmes. Huit sur dix sont des mères : leurs enfants sont (co) victimes. Quatre millions d’enfants seraient en réalité concernés, soit un tiers des enfants scolarisés. La situation française, décrite dans le livre Le Contrôle coercitif (Dunod, 2023), permet de dresser trois constats : les incriminations actuelles échouent à condamner et responsabiliser les auteurs, ainsi qu’à protéger les victimes ; l’absence de sanction favorise l’aggravation ; la situation des victimes ressemble plus à une captivité qu’à une agression. Le Haut Conseil à l’égalité parle d’un « véritable système d’impunité ». La situation en France n’est pas unique. Confrontée à ce même dilemme, l’Ecosse, bientôt suivie par d’autres pays, a adopté en 2018 une loi criminalisant le contrôle coercitif et l’intégrant à la définition de la violence conjugale.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Le contrôle coercitif, une notion plus précise pour lutter contre les féminicides

Le contrôle coercitif est un système d’oppression raffiné, un schéma comportemental visant, pour l’auteur, à s’approprier les ressources de la relation via l’isolement, l’épuisement, le contrôle de la victime, l’imposition de règles, l’utilisation stratégique des procédures judiciaires. Ce contrôle s’étale souvent sur des années et se maintient par le harcèlement, la surveillance, l’utilisation de tiers. Il provoque la peur et la souffrance chez la victime, l’appauvrit et l’isole, menant parfois à la mort. Il attaque sa liberté, ses droits humains, son autonomie, entrave le droit des enfants à une vie sans violence, leur droit à la santé. Comme ce fut le cas pour Chahinez Daoud, la recherche internationale montre que le contrôle coercitif est un précurseur des féminicides, « suicides forcés » et homicides d’enfants : en France en 2023, 1 196 femmes ont été victimes de féminicide ou de tentative de féminicide et 9 enfants ont été tués ; 28 enfants ont assisté aux faits et 114 enfants ont été faits orphelins, selon les chiffres de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains.

Sous le radar du droit

Car si la partenaire adulte est sa cible principale, un délinquant qui cherche à monopoliser les ressources disponibles dans l’espace familial peut cibler toute personne qui lui fait obstacle, y compris les professionnels et les enfants. Ceux-ci sont enrôlés comme complices ou transformés en victimes par des contrôlants coercitifs qui n’ont aucune animosité envers eux, mais veulent les utiliser pour blesser ou contrôler leur mère. L’enfant est (co) victime dans ces cas et le risque pour lui n’est déchiffrable qu’à la lumière du contrôle coercitif sur la mère. La reconnaissance légale du contrôle coercitif est ainsi essentielle pour empêcher les agresseurs d’utiliser la violence, les enfants et les dispositifs censés protéger les victimes pour maintenir leur contrôle avant et après la séparation.

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