Les Weissmann

Ce qu’on a raconté

Le 7 octobre 2023, à 6 h 30, l’alerte rouge a résonné dans le mochav de Netiv Haasara, petit village agricole israélien si proche de la bande de Gaza qu’on y entend le muezzin. Les habitants se sont barricadés dans la pièce fortifiée de leur maison ou ont couru vers les abris antiroquettes. Mais, après un déluge de bombes, tout le monde a compris que ce n’était pas une attaque comme on en avait l’habitude. Des terroristes du Hamas s’étaient infiltrés dans le village et les messageries WhatsApp s’affolaient : « Au secours ! Ils mettent le feu ! », « Ils sont chez moi, ils secouent la porte ! Venez me chercher ! »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Israël, le rêve de pionniers des Weissmann

L’armée mettra neuf heures à intervenir, vingt habitants seront tués par balles et grenades ou brûlés vifs. Les vingt-trois membres de la famille Weissmann échapperont miraculeusement au massacre. C’est dans un kibboutz de la banlieue de Tel-Aviv qu’on les avait rencontrés quelques semaines plus tard, autour du patriarche Yaakov, né en France en 1940, caché pendant la guerre et émigré en Israël en 1959. Ils y étaient accueillis avec d’autres réfugiés, traumatisés, en deuil, incapables de savoir si la vie pourrait un jour reprendre au mochav.

Ce qui s’est passé depuis

Yaakov Weissmann, 84 ans, de passage en France « pour prendre un peu d’air », nous raconte l’évolution de sa tribu meurtrie depuis un an. Finis le nomadisme et le campement chez les uns ou les autres. Faute d’obtenir l’autorisation de rentrer chez eux, à 400 mètres de la frontière de Gaza, les membres du mochav ont obtenu du gouvernement israélien des logements dans la ville d’Ashkelon, à 15 kilomètres de Netiv Haasara. Des familles se sont regroupées dans les mêmes immeubles, recréant l’esprit communautaire du village. Les anciens, eux, se sont vu offrir des appartements meublés donnant sur la mer.

Les enfants ont repris l’école, un service d’autobus assurant la desserte des différents établissements. Quant aux jeunes gens, ils font « fièrement » leur service militaire. Un semblant de vie normale en attendant le retour au mochav, que 80 % des habitants, selon un sondage interne, souhaitent regagner dès que possible. A la condition de ne plus être exposés, comme ils l’étaient depuis 2002, aux roquettes quotidiennes provenant de Gaza. « Car il y a de la colère, dit Yaakov Weissmann. Beaucoup de colère et de lassitude. Pour retourner chez nous, il nous faut l’assurance que la sécurité y sera garantie et qu’on n’y vivra plus constamment sur le qui-vive. »

Les cultures, elles, ne pouvaient pas attendre, et depuis six mois, les agriculteurs du village ont repris le travail sur leurs terres, assistés par les ouvriers thaïlandais qui, repartis au lendemain des attaques, sont revenus en Israël. La plupart, comme le mari de Morani, la plus jeune fille de Yaakov, font la navette tous les jours. D’autres ont bravé l’interdit et se sont réinstallés dans le village, malgré les roquettes qui tombent encore parfois et les secousses des bombardements de l’armée israélienne. Les champs de chrysanthèmes ont refleuri, à fin d’exportation. Les graines de tomates, concombres, piments sont commercialisées, comme les récoltes de framboises dont Mor, une petite-fille de Yaakov, assure le marketing.

Il vous reste 60.6% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
Exit mobile version