Un vote hautement symbolique au Conseil de sécurité des Nations unies à New York, lundi 24 février, jour du troisième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a illustré le gouffre dans lequel cette guerre a plongé le droit international et l’ordre établi après la seconde guerre mondiale.

Un projet de résolution soumis par les Etats-Unis, qui se bornait à appeler à une « fin rapide » du « conflit Russie-Ukraine » et à y déplorer la perte de vies humaines, sans la moindre condamnation ni même mention de l’agresseur, a été adopté avec les voix de la Russie et de la Chine mais sans celle des Européens, qui se sont abstenus. Plus tôt dans la journée, un autre projet de résolution, soumis à l’Assemblée générale par l’Ukraine et ses alliés européens, et condamnant l’agression russe, avait été largement adopté, mais sans les voix des Etats-Unis et de la Russie qui avaient voté contre, ensemble. La Chine s’était abstenue.

C’est donc dans un environnement diplomatique totalement bouleversé que l’Ukraine cherche à retrouver la paix après trois ans d’une guerre dévastatrice et onze ans d’agression par la Russie, depuis l’annexion de la Crimée par Moscou et l’intervention de forces russes dans le Donbass en 2014. La violation des frontières de l’Ukraine et l’invasion de ce pays indépendant par une puissance telle que la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, ont fait voler en éclats le droit international. Trois ans plus tard, c’est la décision des Etats-Unis, aujourd’hui dirigés par le président Donald Trump, de s’aligner sur la Russie pour précipiter un cessez-le-feu en Ukraine qui renverse l’échiquier géopolitique.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A la Maison Blanche, la rencontre entre Donald Trump et Emmanuel Macron illustre la distance qui se creuse entre les alliés

C’est bien la survie de l’Ukraine en tant qu’Etat souverain et indépendant qui se joue aujourd’hui. Le pays a certes résisté héroïquement à l’agression russe, sous le leadership du président Volodymyr Zelensky et avec l’aide de ses alliés occidentaux. Malgré leur large supériorité numérique, les forces russes, assistées depuis cet hiver de troupes nord-coréennes, n’ont pas réussi à atteindre leur objectif, celui de contrôler l’Ukraine. Epuisée, à court de renforts humains, l’armée ukrainienne, qui a fait preuve d’une remarquable inventivité technologique, parvient malgré tout à éviter un effondrement du front.

Les Européens sortent du déni

L’Ukraine tient. Mais à quel prix. Des centaines de milliers de morts, militaires et civils. Des villes entières détruites. Des infrastructures énergétiques sans cesse bombardées. Des millions de personnes déplacées, un exode de réfugiés vers l’Europe qui laisse présager une grave crise démographique pour le pays lorsque la paix sera revenue. Et un cinquième du territoire ukrainien occupé par la Russie.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Ukraine : face au lâchage de Trump, les Européens s’efforcent de serrer les rangs

Ce terrible bilan est aussi un défi pour l’Europe, forcée d’envisager d’aider seule Kiev face à une Russie hostile, dont l’administration Trump semble prête à épouser les positions. Le choc est rude, mais les Européens, coupables de légèreté pour s’être trop longtemps reposés sur la puissance américaine, sortent enfin du déni. Le président Emmanuel Macron et le premier ministre britannique, Keir Starmer, ont raison de faire le voyage à Washington pour tenter de ramener le président Trump à la raison, même si l’espoir est mince. S’ils n’y parviennent pas, les Européens les plus lucides n’auront pas d’autre choix que de se mettre en ordre de bataille. Abandonner Kiev à la Russie leur coûterait plus cher encore que de la soutenir aujourd’hui. L’Ukraine joue sa survie, l’Europe son avenir.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « Le monde n’avait pas vu une telle guerre depuis longtemps, à si grande échelle et si sanglante pour les combattants » : trois ans de guerre en Ukraine racontés par les soldats ukrainiens

Le Monde

Réutiliser ce contenu
Share.
Exit mobile version