Demain, un média supplémentaire pourrait tomber dans l’escarcelle de Vincent Bolloré, et pas des moindres : c’est bien sur Le Parisien que ce milliardaire interventionniste, qui fait peu de cas de l’indépendance des journalistes, souhaite aujourd’hui mettre la main. Il ne s’agit ni d’une rumeur anodine ni d’un fait divers économique : c’est une véritable alerte démocratique, qui devrait toutes et tous nous inquiéter en ces temps de crise de la représentation politique.
Car chacun connaît désormais la mécanique implacable de cet actionnaire. Les promesses initiales d’indépendance, répétées comme des mantras pour amadouer journalistes et lecteurs, se dissipent vite. On l’a vu à i-Télé, devenue CNews. On l’a vu à Europe 1. On l’a vu au Journal du dimanche. Partout, le même scénario : une rédaction asphyxiée, des journalistes poussés vers la sortie si par malheur ils osent s’opposer à la ligne éditoriale, un pluralisme méthodiquement étouffé et une ligne idéologique imposée au pas de charge.
Demain, c’est l’un des quotidiens les plus emblématiques de France qui pourrait subir cette même opération. Or, Le Parisien n’est pas un titre comme un autre. Le transformer en machine de propagande bolloriste, ce serait trahir la République, trahir un symbole de la Libération. Né dans l’élan de 1944, ce journal est l’héritier d’une histoire qui mêle combat démocratique et enracinement populaire.
Il raconte la vie quotidienne de millions de Franciliennes et de Franciliens, fait dialoguer l’échelle locale et l’échelle nationale, met en récit les préoccupations intimes comme les grandes secousses de l’époque. En faire un instrument de propagande serait une mutilation collective, où lectrices et lecteurs se trouveraient privés d’un regard indépendant sur leurs propres vies. Cela serait également un coup d’épée supplémentaire porté contre nos libertés démocratiques.
Vision régressive de la société
Car ce n’est pas seulement un journal que l’on menace, c’est une part de notre liberté commune. Une société sans presse libre et sans information indépendante est une société sans contre-pouvoir. Une société sans pluralisme est une société sans démocratie. La concentration des médias entre les mains de quelques milliardaires constitue une lame de fond qui emporte tout : la confrontation des idées et la vitalité du débat public. Chaque fois qu’un titre tombe dans l’escarcelle d’un industriel dont l’agenda est moins éditorial que politique, c’est un pan entier de l’espace démocratique qui se rétrécit.
Il vous reste 43.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.