Lors de sa publication en avril 2024, une note de l’Institut des politiques publiques (IPP), émanation respectée de l’Ecole d’économie de Paris, sur « le traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales en France », avait fait grand bruit à la faveur d’un chiffre choc : entre 2012 et 2020, la part des dénonciations de viols classées sans suite aurait progressé de 12 points, pour atteindre 94 %.

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Illustrant la difficulté de la justice à réprimer les violences sexuelles, cette statistique étourdissante avait été reprise par de nombreux médias, dont Le Monde, et mise en avant par les associations féministes. Mais elle avait été critiquée par de nombreux juristes, qui la jugeaient surévaluée. Le service des études du ministère de la justice s’était ému d’une « surestimation (…) de plus de 20 %. »

A raison ? Dans la version de l’étude désormais disponible sur le site Internet de l’IPP, mise à jour il y a quelques mois, ce chiffre de 94 % a disparu. A la place, un autre résultat, moins spectaculaire, est mis en avant : entre 2012 et 2019, « la part des agressions sexuelles non poursuivies est passée de 80 % à 83 % ».

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« La note ayant beaucoup circulé, j’ai reçu plusieurs retours d’acteurs académiques et judiciaires, explique son autrice, Maëlle Stricot. J’ai corrigé certains termes et données, mis en avant les hypothèses les plus conservatrices, mais les chiffres ne changent que de façon marginale. » Les mêmes conclusions prévalent, selon la chercheuse : une majorité des accusations de violences sexuelles n’aboutissent pas à une condamnation, une tendance accrue avec l’afflux observé depuis MeToo.

Réécrite, la note ne se focalise plus sur le taux de classement sans suite, mais sur le « taux de non-poursuite ». « Pour éviter les confusions avec les statistiques du ministère de la justice », explique Maëlle Stricot. Celui-ci établit traditionnellement le taux des affaires de violences sexuelles classées sans suite sur la base de celles jugées « poursuivables » par la justice, c’est-à-dire après avoir écarté les affaires « non poursuivables » pour différents motifs comme infraction insuffisamment caractérisée, auteur inconnu ou prescription. Avec ce mode de calcul, la proportion de classements diminue. Dans quelle mesure ? Le ministère indique au Monde que 59 % des plaintes déposées pour viol ont été classées sans suite en 2023 pour infraction « insuffisamment caractérisée » et 70 % en prenant en compte l’ensemble des motifs possibles.

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