A la simple évocation du nom « Trafigura », tous les interlocuteurs rencontrés en Angola lèvent les yeux au ciel, se grattent le menton ou soupirent. Si le nom de ce négociant suisse en matières premières, enregistré à Singapour, suscite autant le malaise, c’est qu’il est étroitement lié à la corruption du régime de José Eduardo dos Santos, le président qui a régné sur l’Angola de 1979 à 2017 et accusé d’avoir détourné des milliards de dollars de recettes pétrolières.

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Pour la première fois, Trafigura a été condamné dans une affaire de corruption par un tribunal suisse, vendredi 31 janvier, ainsi que trois autres personnes, dont un ancien cadre dirigeant de l’entreprise. Ils sont accusés d’avoir versé, entre 2009 et 2011, 4,3 millions d’euros par virement bancaire et près de 600 000 dollars (579 030 euros) en espèces à l’un des patrons de la Sonangol, la compagnie pétrolière angolaise publique, en échange de la signature de juteux contrats qui lui ont permis de générer 143,7 millions de dollars de profits. Trafigura se dit « déçu » par cette décision de justice et précise avoir « investi des ressources considérables pour renforcer son programme de conformité au fil des ans ».

En dépit de sa réputation, l’entreprise a été choisie par Joao Lourenço, le successeur de José Eduardo dos Santos, en 2022, pour exploiter pendant trente ans, avec deux autres partenaires – le Belge Vecturis et le portugais Mota-Engil – la ligne de chemin de fer reliant le port de Lobito aux mines de cuivre et de cobalt de la République démocratique du Congo. Un choix surprenant puisque M. Lourenço, arrivé au pouvoir en 2017, avait justement lancé une vaste campagne anti-corruption ciblant son prédécesseur.

« Capacité d’adaptation »

En février 2022, quelques mois seulement avant d’accorder la concession à Trafigura et ses partenaires, le ministre de la justice angolais, Francisco Queiroz, déclarait avoir engagé des poursuites dans 715 affaires de corruption, de fraude et de détournement de fonds, et assurait avoir récupéré 9,6 milliards d’euros de biens publics détournés, y compris à l’étranger comme au Royaume-Uni, en Suisse, à Singapour et aux Bermudes.

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