Certains journalistes choisissent leurs sujets un peu à la légère. Ainsi, lorsque Simon Fichet reçoit une proposition de son collègue de France 2 d’aller filmer les « chasseurs de tornade » aux Etats-Unis, il accepte, sans prendre le temps d’une recherche sur Google. Il n’avait pas non plus vu le film catastrophe Twister (1996), qui l’aurait renseigné sur une donnée fondamentale : le hobby consistant à poursuivre les tempêtes plutôt que de s’enfuir à leur approche n’a rien d’un paisible passe-temps.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Lauriane Galtier, chasseuse d’orage : « La foudre a atterri à 5 mètres de moi, j’ai été projetée. Mon corps était tout engourdi, j’ai perdu brièvement la vue »

Le tournage a lieu en 2015, presque dix ans avant que l’auteur, durablement secoué par l’expérience, ne trouve le courage d’affronter ses angoisses en prenant la plume dans Tornade. A la poursuite du monstre des plaines américaines (Marchialy, 224 pages, 20 euros). Les cauchemars, pour le jeune journaliste, ont commencé dès la préparation du sujet. Son appréhension ne fait que grandir lorsqu’il découvre, au moment du départ, que les deux Français qu’il va suivre à travers les Etats-Unis pour les besoins du reportage sont un duo de bras cassés : Matthieu a failli annuler deux jours avant le départ, pétrifié d’angoisse ; Laetitia, elle, n’a jamais dirigé un binôme de storm chasers. Tous deux ne se connaissaient pas, ne s’apprécient guère et communiquent difficilement.

Traque survitaminée

La suite est un récit de voyage à tombeau ouvert sur les routes de l’Amérique profonde, dans lequel la géographie américaine, physique et politique, est balayée par la météo. Les tornades ne s’arrêtent pas aux frontières des Etats et font fi du réseau routier. Le territoire de chasse des passionnés de cells, supercells, arcus et autres mamas s’étend du Dakota du Sud au Texas. La technologie, certes, permet d’anticiper à peu près la probabilité de leur survenue, mais sans grande précision. « En vingt-quatre heures, nous avons parcouru 750 kilomètres, attendu des heures sur un parking (…) pour se retrouver exactement au même endroit, sans tornade », note le journaliste un soir, alors que l’équipe repart une nouvelle fois bredouille.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Ouragan Milton : « C’est vraiment fatigant de devoir tout reconstruire »

En accompagnant les chasseurs de tornade dans leur traque survitaminée, Simon Fichet ne néglige pas le contrechamp. Alors que les chasseurs de tornade choisissent délibérément, malgré les risques, de s’approcher au plus près des tourbillons destructeurs et meurtriers, les habitants des plaines centrales des Etats-Unis, eux, les vivent comme des calamités. Aussi le journaliste donne-t-il la parole aux sinistrés, plus longuement que dans un reportage télévisé à chaud. « Tout est neuf. Les meubles, les coussins, les lampes (…), la machine à café… Chaque objet est une cicatrice », observe-t-il, reçu par une famille qui a dû, patiemment, reconstruire une vie balayée par la tempête. Lorsque leur maison a été frappée, en 2013, le couple et ses deux filles ont eu la vie sauve en s’allongeant dans une baignoire. Celle-ci est, depuis, exposée dans leur jardin, au milieu d’un parterre de fleurs, leur rappelant chaque jour qu’ils sont avant tout des survivants.

Il vous reste 3.6% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
Exit mobile version