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Histoires Web vendredi, septembre 27
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MAX – À LA DEMANDE – SÉRIE

Le succès d’audience de The Penguin, dont le premier épisode, mis en ligne jeudi 19 septembre aux Etats-Unis par Max, la plate-forme de Warner Bros. Discovery, a réuni plus de spectateurs (5,3 millions) que Succession ou The White Lotus, ne présage pas forcément de la résurrection des super-héros et de leurs ennemis. D’abord parce que la série créée par Lauren LeFranc ignore superbement l’existence du plus célèbre des citoyens de Gotham City, version dantesque de New York. Pas de Batman, donc. Quant au Pingouin, cet adversaire difforme qu’incarnèrent, entre autres, Burgess Meredith (dans la série télévisée des années 1960) et Danny DeVito (dans Batman. Le défi, de Tim Burton, en 1992), il n’est pas ici une créature flamboyante surgie des cases d’un comic, mais un cadre moyen de la pègre résolu à s’élever dans la hiérarchie.

Oswald Cobblepot (ce patronyme dickensien compte parmi les rares vestiges du matériau originel, il jure ici violemment avec les aspirations réalistes de la série) descend d’une longue lignée de sociopathes fonctionnels qui ont pris, à Hollywood, les traits de James Cagney (1899-1986), de Robert De Niro ou, plus récemment, de James Gandolfini (1961-2013). Le poids de cet héritage est brillamment assumé par Colin Farrell, méconnaissable sous des kilogrammes de prothèses qui le laissent néanmoins capable d’exprimer les nuances de son personnage.

Et c’est à cet instant – celui qui voit les nuances se déployer – que l’entreprise révèle toute son absurdité. La fortune, artistique et publique, des représentations du crime organisé dans le cinéma et les séries américaines, tient au rapport qu’entretiennent ces fictions avec la réalité des Etats-Unis. De la prohibition à l’exploitation des femmes sous le couvert du fondamentalisme, du Scarface (1932), de Howard Hawks, au shérif Roy Tillman de Fargo (en passant bien sûr par le Tony Soprano de David Chase), cinéastes et showrunneurs ont tendu à leur pays un miroir magique qui en révélait la face ordinairement invisible.

Lire l’entretien avec David Chase, créateur des « Soprano » : Article réservé à nos abonnés « Chaque saison était comme la première »

Le territoire du Pingouin a beau ressembler à New York, il est affranchi de toute référence historique. Dans cette ville moderne, couverte par un réseau cellulaire sans faille, on enchaîne les patients des hôpitaux psychiatriques, un quartier entier de Gotham a été détruit (c’était à la fin de The Batman, en 2022) sans qu’on s’inquiète de sa reconstruction (offrant ainsi de jolis décors d’apocalypse). Dans ce vide politique et social, Oswald Cobblepot peut prétendre à la suprématie sans se soucier des tracas qui, d’ordinaire, assaillent les empereurs du crime – la tension entre le maintien de l’ordre et la corruption, les conflits entre communautés, entre générations. Il lui suffit d’être un monstre.

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