La proposition du premier ministre, François Bayrou, concernant la suppression de deux jours fériés suscite de nombreuses réactions. Il est, certes, légitime de se demander si cette mesure est socialement juste, alors que l’aide aux entreprises dépasse 200 milliards d’euros et ne semble guère avoir fait l’objet d’évaluation rigoureuse. Mais s’il revient au Parlement de décider du nombre de jours fériés légaux, il serait opportun d’instaurer une convention citoyenne afin de mener une réflexion sur leur choix.
Le chef du gouvernement a justifié la suppression du lundi de Pâques par une raison significative du paradoxe de notre République laïque : ce jour de fête n’a « aucune signification religieuse », et celle du 8-Mai (date de la victoire contre le nazisme) par une remarque uniquement factuelle : le mois de mai est un « véritable gruyère » rempli de ponts. Ces arguments à la hussarde tranchent une question qui, historiquement, constitue un enjeu symbolique fort de la nation : la sélection des jours fériés légaux est, en effet, un aspect du visage du pays. Correspondent-ils à la France de 2025 ?
Sous l’Ancien Régime, outre les dimanches, il existait des dizaines de jours fériés, dans un calendrier rythmé par le catholicisme. Dans un souci de rationalisation et de laïcisation, la Révolution remplaça la semaine par la décade (avec moins de décadis que de dimanches) et supprima les jours fériés existants, instaurant des fêtes célébrant l’ordre nouveau, telle la fête de la Raison, de l’Etre suprême, des Moissons, etc. Napoléon Bonaparte rétablit la célébration des grandes fêtes catholiques, culminant le 15 août, jour de l’Assomption et de la Saint-Napoléon.
La « religion civile » de la France
La IIIe République établit, en 1886, une liste de huit jours fériés (1er janvier, lundi de Pâques, Ascension, lundi de Pentecôte, 14-Juillet, Assomption, Toussaint et Noël). Malgré la politique anticléricale, cinq d’entre eux comportaient une connotation catholique. Lors des débats sur la loi de 1905 [sur la séparation des Eglises et de l’Etat], les députés refusèrent de laïciser ces fêtes : il fallait réaliser l’idéal de la Révolution (la séparation) sans opérer les ruptures révolutionnaires. La France devenait laïque tout en assumant son passé religieux. Ce souci de pacification était nécessaire, mais se révélera porteur d’ambiguïtés. Et, aujourd’hui, si la majorité des Français n’y accordent guère d’importance, certains jeunes y voient le signe d’une laïcité à géométrie variable.
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