En cette fin de matinée, un rayon de soleil éclaire les baies vitrées du Seamen’s Club, le café associatif du port de croisière de Marseille. Vivek s’attable devant un bol de nouilles instantanées et saisit son téléphone : sur l’écran, sa femme apparaît vêtue d’une robe imprimée. « On se parle trois fois par jour », confie cet Indien trentenaire, qui travaille comme agent de sécurité incendie sur un paquebot de vingt-deux ponts, en escale à Marseille. Vivek ne voit ses enfants de 1 et 4 ans que par écran interposé. « C’est difficile », confie-t-il. Depuis quatre ans, sa vie suit le même rythme : sept mois sur l’eau, trois mois en Inde.

« A chaque fois que je rentre dans mon pays, je me dis : “Cette fois, je reste”, raconte Vivek. Et puis je repars. En Inde, il faut être très diplômé pour avoir de bons emplois. Sinon, le seul moyen de gagner correctement sa vie, c’est d’aller à l’étranger. » Pendant dix ans, il a travaillé sur un cargo. Des traversées pendant lesquelles il pouvait rester trente jours sans accès à Internet. « Alors la croisière, c’est mieux, on a le Wi-Fi. » Après son déjeuner, il reprendra son service sur un immeuble flottant, en direction de Gênes (Italie), avec 5 000 touristes à bord.

S’il est un lieu qui incarne la mondialisation du travail dans sa version la moins réglementée et décomplexée, c’est bien le paquebot de croisière. A bord de ces géants des mers, qui naviguent majoritairement dans les Caraïbes et en Méditerranée, des vacanciers venus des Etats-Unis, d’Allemagne, du Royaume-Uni ou de France côtoient un personnel issu, pour l’essentiel, de pays émergents : Philippines, Inde, Indonésie, Honduras, Pérou… Les capitaines, officiers et chefs de département sont, eux, presque tous occidentaux. Quant aux profits, ils sont entre les mains d’Américains : les trois plus grosses compagnies, Carnival, Royal Caribbean et NCL, ont leur siège à Miami, aux Etats-Unis. La quatrième, MSC, est établie en Suisse.

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