Dans son rapport sur la compétitivité européenne, remis en septembre 2024 à la Commission européenne, Mario Draghi constate que le revenu par habitant a augmenté davantage aux Etats-Unis qu’en Europe depuis la crise financière mondiale de 2008. Le Vieux Continent, selon l’ancien président de la Banque centrale européenne, a en effet pris du retard sur l’Amérique (et sur la Chine) dans le domaine des technologies. Cet écart de productivité résulte d’un sous-investissement chronique : rien qu’en 2021, les entreprises européennes ont dépensé 270 milliards d’euros de moins en recherche et développement que les américaines. Draghi recommande dès lors que l’Europe porte ses investissements à 750 milliards voire 800 milliards d’euros par an (de 4,4 % à 4,7 % du PIB environ).

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Seulement voilà : l’Europe n’a pas besoin d’investissements pour le plaisir d’investir, mais dans la perspective de missions économiques. Si l’objectif réside dans une croissance durable, inclusive et axée sur l’innovation, alors le rôle de l’Etat ne doit pas seulement consister à remettre de l’ordre sur les marchés, mais bien à les façonner. Sous la conduite d’un « Etat entrepreneur », le secteur public peut maximiser la création de valeur publique en adoptant une approche axée sur les résultats, qui oriente les investissements vers des objectifs clairement définis. Plutôt que de se contenter du statut de prêteur de dernier recours, il doit devenir un investisseur précoce dans des secteurs stratégiques.

Draghi dénonce par ailleurs l’excès de réglementation en Europe et suggère la création d’un nouveau poste de vice-président de l’Union européenne, chargé de superviser la « simplification ». Sans surprise, le monde des affaires a accueilli favorablement cette recommandation. Or, le message de Draghi passe à côté de l’essentiel : intelligemment conçue, une réglementation peut tout à fait stimuler l’innovation.

Pas assez ambitieux

Dans le même temps, le rapport Draghi ne mentionne guère les capacités du secteur public nécessaires pour mettre en œuvre les changements qu’il recommande. Ces capacités, qui constituent un prérequis indispensable, dépendent des investissements cumulés que l’Etat réalise au fil du temps. Sur ce point, il est nécessaire que les Européens poursuivent l’objectif inverse de celui du département de l’efficacité gouvernementale promu par Elon Musk aux Etats-Unis.

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