Sonia Mejri, revenante de Syrie, va devenir la première Française à être jugée pour le crime de génocide lors d’assises à Paris, après la non-admission du pourvoi de cette femme qui conteste avoir réduit en esclavage une adolescente yézidie au printemps 2015, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de sources proches du dossier mardi 7 octobre.

Mme Mejri, 36 ans, sera non seulement la première revenante française de Syrie à comparaître en France pour génocide contre les yézidis, minorité ethno-religieuse kurdophone, mais aussi la première Française à être jugée, de manière générale, pour ce crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Sonia Mejri sera également jugée pour d’autres infractions terroristes et pour complicité de crimes contre l’humanité. Elle comparaîtra détenue devant la cour d’assises spéciale, à une date encore indéterminée.

« L’innocence de ma cliente sera prononcée par les juges du siège », lors du procès, a réagi l’un de ses avocats, Nabil Boudi. Un juge d’instruction antiterroriste du tribunal de Paris avait en effet ordonné en septembre 2024 ce procès pour Abdelnasser Benyoucef, un émir du groupe Etat islamique (EI), et son ex-épouse, Mme Mejri, les soupçonnant d’avoir réduit en esclavage, au printemps 2015, une yézidie âgée de 16 ans.

M. Benyoucef « savait qu’en acquérant » l’adolescente « et en la soumettant à un enfermement, à des viols répétés et à des privations graves, il participait à l’attaque dirigée par l’EI contre la communauté yézidie », avait justifié le magistrat.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Une djihadiste française renvoyée devant les assises pour sa participation au génocide des yézidis

« Garante de l’enfermement »

Sonia Mejri était présentée comme « garante de l’enfermement » de la jeune yézidie : elle détenait la clef de l’appartement et portait, selon l’ordonnance de mise en accusation consultée par l’AFP, une arme pour la dissuader de fuir. L’accusation lui reprochait notamment « des atteintes graves à l’intégrité physique et psychique » de cette adolescente, soumise à son domicile « à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction » de sa communauté.

Mais la cour d’appel de Paris avait partiellement infirmé en janvier ce renvoi, estimant plusieurs victimes nécessaires pour retenir le crime de génocide. « Les magistrats de la cour d’appel n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les charges, c’est dire la fragilité et la faiblesse de l’accusation », a ajouté MBoudi.

En mai, la Cour de cassation avait au contraire considéré que l’on pouvait bien être poursuivi pour génocide en ne s’en prenant qu’à un seul membre d’un groupe faisant l’objet d’« un plan concerté tendant à sa destruction totale ou partielle ». La chambre de l’instruction a fini par avaliser début juillet ces poursuites pour génocide, avant le feu vert définitif en cassation le 1er octobre.

Retrouvée par les enquêteurs, la victime a affirmé avoir été séquestrée pendant plus d’un mois au printemps 2015 en Syrie, et n’avoir pu ni boire, ni manger, ni se doucher sans l’autorisation de Sonia Mejri. Elle accusait aussi cette dernière de l’avoir violentée et d’avoir été au courant que son mari la violait quotidiennement.

Newsletter

« La revue du Monde »

Chaque week-end, la rédaction sélectionne les articles de la semaine qu’il ne fallait pas manquer

S’inscrire

Newsletter

« A la une »

Chaque matin, parcourez l’essentiel de l’actualité du jour avec les derniers titres du « Monde »

S’inscrire

Le Monde Ateliers

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences

Découvrir

Newsletter

« A la une »

Chaque matin, parcourez l’essentiel de l’actualité du jour avec les derniers titres du « Monde »

S’inscrire

Newsletter

« La revue du Monde »

Chaque week-end, la rédaction sélectionne les articles de la semaine qu’il ne fallait pas manquer

S’inscrire

Sonia Mejri avait, elle, contesté toute infraction liée à la jeune yézidie : son ex-mari en était le « propriétaire », avait-elle déclaré au cours de l’enquête, et elle n’avait « aucun droit » sur elle. « La défense a multiplié les recours. La [Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme] se satisfait que ce procès pour génocide (…) puisse enfin se tenir », a précisé Ilana Soskin, avocate de l’association.

Visé par un mandat d’arrêt et présumé mort depuis 2016, Abdelnasser Benyoucef devrait, lui, être jugé par défaut comme auteur de génocide et de crimes contre l’humanité et pour des infractions terroristes.

Écouter aussi Etat islamique : comment la justice française juge les « revenantes »

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu
Share.
Exit mobile version