Présenté comme un site de rencontre pour “les jeunes de 13 à 25 ans”, le site “rencontre-ados.net” attire des prédateurs sexuels qui n’hésitent pas à démarcher des jeunes mineurs pour obtenir des relations sexuelles tarifées ou des photos dénudées.
“J’ai 26 ans, ça ne te dérange pas ?“, “Ca te dit un snap coquin ?“… Voici en seulement quelques minutes le genre que message que nous avons pu recevoir alors que notre profil est clairement identifiée comme celui d’une jeune fille de 13 ans.
>> Les grands défis technologiques de demain : la vérification de l’âge sur Internet
Des parents alertent sur les réseaux sociaux depuis ce week-end : le site “Rencontre Ados” (rencontre-ados.net), créé en 2006, se présente comme “un site de rencontres gratuit pour les jeunes de 13 à 25 ans”. Sauf qu’il attire des prédateurs sexuels, qui n’hésitent pas à demander des photos dénudées, voire des relations sexuelles tarifées, à de jeunes adolescentes.
Lorsque franceinfo crée un faux profil, avec pour pseudonyme Anna, 13 ans, sans photo, en moins d’une demi-heure, les demandes d’amis affluent : une vingtaine, uniquement masculins.
Rapidement, des messages à caractère sexuel
En moyenne, tous affichent une moyenne d’âge de 18 ans. “Anna”, très vite, reçoit un premier message à caractère sexuel : un certain “Alsacien”, qui affirme avoir 18 ans, demande d’emblée d’avoir une discussion “coquine” et d’échanger des photos dénudées.
“Les enfants sont en danger perpétuel sur Internet !”
C’est la même expérience qu’a eue Lily, mère de trois enfants, qui s’est fait passer pour une jeune adolescente de 13 ans et a reçu plusieurs sollicitations d’ordre sexuel, notamment de la part d’un homme âgé 36 ans. Et elle est tombée des nues : “On se sent complètement impuissant ! Le site s’adresse à des jeunes à partir de 13 ans, donc ils se sentent en sécurité, et se disent qu’ils rencontreront d’autres personnes de leur âge… En fait, les enfants sont en danger perpétuel sur Internet !”
Lily épingle “Rencontre Ados” sur Twitter et publie des captures d’écran avec ce message : “Votre plateforme héberge des pédocriminels !”
Dans la foulée, elle signale le site sur Pharos, la plateforme du ministère de l’Intérieur qui permet de signaler les contenus illicites sur internet. Comme franceinfo a pu le constater, certains usagers alertent les autres, comme “Jonas”, 17 ans.
Malheureusement, il est très difficile de réguler ces sites, rappelle Thomas Rohmer, le directeur de l’IObservatoire de la parentalité et de l’éducation numérique : “Ce site s’inscrit dans la lignée d’un nombre conséquent d’autres sites qui ont toujours eu pour vocation de cibler, au niveau marketing, les adolescents ou en tout cas les jeunes”, souligne-t-il.
“Cela a toujours existé, mais il est vrai qu’aujourd’hui, le débat sur la vérification d’âge des utilisateurs devrait être une priorité gouvernementale. Le problème est toujours le même : comment éviter que des personnes malveillantes puissent être en contact avec des mineurs sur Internet ?”
Thomas Rohmerà franceinfo
Invitée de franceinfo, mardi 22 aoôut, la secrétaire d’Etat en charge de l’Enfance, Charlotte Caubel l’assure : “L’objectif n’est pas d’interdire certains sites parce qu’on sait très bien que ça conduira les enfants et les ados et les adultes à aller sur d’autres. L’objectif, c’est de réglementer“.
“Il y a plein de lieux de rencontres pour les ados et les enfants entre eux et pour d’éventuels adultes qui se font passer pour des ados : les messageries TikTok, Snapchat, Instagram, constate Charlotte Caubel. Depuis l’été 2022, nous avons une loi qui impose aux sites d’obtenir l’autorisation des parents pour que les moins de 15 ans puissent s’inscrire sur ces sites. Nous sommes engagés pour que le décret d’application de cette loi sorte très vite. C’est un formidable levier, car cela impose le contrôle de l’âge de l’ensemble des clients“.
La loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité en ligne prévoit en effet que les réseaux sociaux mettent en place une solution pour vérifier l’âge de leurs utilisateurs. En cas de non-respect de cette obligation, ils s’exposeront à l’avenir à une amende pouvant aller jusqu’à 1% de leur chiffre d’affaires mondial. Rencontre-ados existe depuis 2006 et le site est hébergé en Belgique. Selon le secrétariat d’Etat en charge de l’Enfance, cela rend compliqué une enquête, une convocation, voire une condamnation.