Loi immigration, 49.3, rentrée politique à Tourcoing, Marine Le Pen… Gérald Darmanin a accordé un entretien exclusif à franceinfo lors de son déplacement en Guadeloupe.
“J’attends la fin des élections sénatoriales pour reprendre les discussions, notamment avec le groupe centriste et le groupe Les Républicains au Sénat” sur la loi immigration, a indiqué mardi 5 septembre à franceinfo le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en déplacement en Guadeloupe.
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Maintes fois reporté depuis un an, le projet de loi immigration doit revenir devant le Parlement à l’automne. L’examen d’un texte du gouvernement avait été interrompu après l’adoption de la réforme des retraites, alors que le texte avait été adopté en commission au Sénat où la droite, majoritaire, l’avait nettement durci.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a accordé un entretien exclusif à franceinfo :
franceinfo : Vous êtes ici en Guadeloupe à l’invitation du groupe de députés Liot, ce groupe de députés indépendants et d’Ultramarins, un groupe qui a voulu faire tomber Elisabeth Borne et qui a failli y parvenir. Ce groupe aussi qui a voulu abroger la réforme des retraites. Certains, dans la majorité, parlent de provocation.
D’abord, le président de la République et la Première ministre m’ont encouragé à venir à l’invitation du groupe Liot que je respecte profondément. Vous savez, lorsque vous voulez faire de la politique, il faut savoir ce que l’on veut. Soit vous considérez que les gens qui vous combattent sont des idiots et vous devez presque les mépriser. Dans ce cas, vous ne devenez jamais majoritaire. Soit vous considérez que les gens qui vous combattent, il y a une petite partie de vrai dans ce qu’ils disent. Il est évident que sur la loi immigration, qui est une loi nécessaire mais difficile à faire adopter, je travaille très en amont avec le groupe Liot et nous allons en parler longuement.
Confirmez-nous qu’il y aura bien avant l’année prochaine une loi sur l’immigration au Parlement ?
Exactement. Le président de la République l’a annoncé dans Le Point, la Première ministre l’a confirmé. Après les élections sénatoriales, sans doute au mois de novembre, le texte reprendra sa course au Sénat puisque je rappelle qu’il a été adopté par la commission des lois du Sénat. La majorité sénatoriale a déjà adopté le texte immigration, avec évidemment des modifications importantes qu’il nous faut discuter. Ce sera au Sénat au mois de novembre et puis à la fin de l’année, en début d’année prochaine, à l’Assemblée nationale. Donc, il y aura, avant la fin de session parlementaire, un texte immigration voté.
Vous aurez justement, sans doute, besoin des voix de la droite pour faire adopter ce texte. La ligne rouge de la droite, c’est ce titre de séjour “métiers en tension”. Pouvez-vous affirmer que ce titre de séjour sera présent dans le texte initial qui va reprendre sa course au Sénat et qu’il sera présent dans le texte final qui sera voté puis promulgué ?
Serait-ce un échec pour vous de devoir utiliser le 49.3 sur cette loi ?
L’utilisation du 49.3 est l’utilisation faite par la Première ministre. Je n’ai pas à me prononcer sur les compétences propres de la Première ministre. Ce que je peux vous dire, c’est que cela fait six ans que je suis ministre, que j’ai dû faire adopter une quarantaine de textes au Parlement depuis six ans. J’ai toujours réussi à le faire en travaillant beaucoup, en écoutant les parlementaires et en trouvant des compromis politiques. Je pense que c’est la politique et la culture du compromis qui nous permet de trouver un texte commun. On l’a fait sur les moyens de la police, de la justice, on l’a fait sur le Code pénal à réformer avec le garde des Sceaux. Il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas sur l’immigration en écoutant les parlementaires comme je le fais aujourd’hui.
Vous êtes donc prêt à bouger malgré tout sur cette mesure des titres de séjour “métiers en tension” ?
Le principe d’une discussion parlementaire, ce n’est pas le gouvernement qui vient avec un texte pour dire c’est comme cela et puis c’est tout. Le principe, c’est que le gouvernement vient avec une proposition et les parlementaires l’amendent. Ensuite, avec le gouvernement, on essaie de trouver un compromis entre ce que nous souhaitons et ce que souhaite le Parlement. La politique, ce n’est jamais l’idéal, c’est toujours le faisable.
La semaine dernière, votre rentrée politique à Tourcoing a fait grincer des dents. Est-ce qu’en semblant affirmer des ambitions pour 2027, vous n’êtes pas allé un peu trop vite, un peu trop loin, un peu trop fort ?
Quand j’invite des personnes, je suis heureux qu’elles viennent. Il y a eu 1 000 personnes à Tourcoing et une centaine de parlementaires, des gens de LR d’ailleurs, des gens de Liot, des gens qui viennent de la gauche. C’est donc une réussite pour la majorité du président de la République. Moi, je suis un homme politique, je fais de la politique. La politique, c’est parler aux gens, ce n’est pas rester dans son bureau entre trois dossiers. La politique, c’est parler aux gens, les rencontrer et essayer de les convaincre. On y arrive, on n’y arrive pas. C’est aussi essayer de comprendre que la politique, ce n’est uniquement la raison et la rationalité, c’est aussi du sentiment et de l’émotion. Après, chacun a sa façon de faire de la politique.
Ne pensez-vous pas être allé un peu vite en évoquant d’ores et déjà 2027 dans plusieurs interviews ?
Je n’ai pas démontré d’ambition. Mon sujet n’est pas l’élection présidentielle. Mon sujet, c’est d’éviter que Madame Le Pen soit présidente de la République. C’est assez différent et je n’ai jamais aimé l’hypocrisie en politique. Je pense que les Français, les médias, les commentateurs discutent d’une hypothèse. Il n’y auraient que les politiques qui ne s’intéresseraient pas à l’élection de l’extrême droite au pouvoir ? C’est évidemment absolument inacceptable. Pour éviter que Madame Le Pen gagne la présidence de la République, il faut trois choses. Il faut d’abord réussir le quinquennat du président de la République. Je m’y emploie tous les jours, notamment sur les questions de sécurité, d’immigration. Un deuxième sujet, c’est qu’il faut que la majorité se pose des questions pour savoir comment elle améliore les choses. Nous avons, comme tout le monde, à nous poser des questions sur notre façon de faire et il n’y a pas la vérité dans la majorité et la débilité dans les oppositions. On doit écouter ce que disent les Français. Tous les élus le savent. Et moi qui suis un élu local, je pense que je contribue petitement à ça. Et puis troisièmement, nous devons avoir demain, voire après-demain, un candidat ou une candidate unique. Nous n’en sommes pas à ce niveau-là aujourd’hui. En revanche, le fond m’intéresse. Comment parle-t-on au peuple, comme on s’adresse à chaque citoyen, comment on évite d’avoir des accidents de parcours pendant le quinquennat du président de la République ? C’est l’objet de mes prises de parole et le président de la République le sait très bien.