Large manifestation dans le centre de Belgrade en faveur d’élections législatives anticipées, le 28 juin 2025.

Environ 140 000 personnes ont manifesté, samedi 28 juin, en Serbie pour réclamer des législatives anticipées, maintenant la pression sur le gouvernement après plus de sept mois d’un mouvement de contestation mené par les étudiants qui secoue tout le pays.

« Nous voulons des élections ! », a scandé la foule, qui a envahi en fin d’après-midi la plus grande place de la capitale Belgrade et plusieurs rues alentour, brandissant des drapeaux serbes et des banderoles avec les noms de villes et de villages de Serbie, ont constaté plusieurs journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) dans le cortège. En fin de soirée, des heurts ont éclaté entre des grappes de manifestants et les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Les heurts sont rares depuis le début du mouvement.

Selon un communiqué de la police, le rassemblement a réuni 36 000 manifestants, mais les journalistes de l’AFP ainsi que plusieurs images aériennes du rassemblement montrent une foule bien plus importante. Selon le décompte provisoire d’un organisme indépendant en fin de soirée, environ 140 000 personnes ont manifesté – ce qui en ferait l’une des plus importantes manifestations depuis le début du mouvement, après celle du 15 mars qui avait rassemblé 300 000 personnes.

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Un mouvement né d’un drame à Novi Sad

Le mouvement est né de l’effondrement, le 1ᵉʳ novembre 2024, de l’auvent en béton de la gare de Novi Sad, qui a coûté la vie à seize personnes dont deux enfants. Les étudiants en ont rapidement pris la tête. Frustrés par l’inaction du gouvernement populiste face à cette tragédie largement imputée à une corruption enracinée, ils ont établi plusieurs revendications ces derniers mois, notamment une enquête indépendante, et exigent depuis mai des législatives anticipées.

Le mouvement avait semblé marquer le pas après l’immense manifestation de mars, mais les étudiants espèrent que cette nouvelle démonstration de force lui donnera un nouvel élan. Ils ont, dans la semaine, présenté deux demandes au président : la dissolution du Parlement, et le départ de ses partisans qui campent devant la présidence depuis le 12 avril. Aleksandar Vucic (droite nationaliste) avait, selon l’ultimatum des étudiants, jusqu’à ce samedi soir pour y répondre.

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Le délai expiré, des étudiants ont lu un communiqué aux manifestants : « Peuple de Serbie ! Le temps est écoulé, mais pas pour nous (…). Cette lutte n’est pas seulement celle des étudiants. Aujourd’hui, nous exigeons tous des élections. Nous nous lèverons tous et nous gagnerons tous. (…) Nous continuerons à frapper à toutes les portes en Serbie. Nous serons dans chaque ville, chaque village, chaque rue. (…) Tous ceux qui vivent en Serbie viendront voter. La victoire sera la nôtre. Nous ne vous dirons pas quoi faire, non pas parce que nous ne savons pas, mais parce que vous le savez vous-même. Et parce que la démocratie veut que le peuple choisisse. »

Dans un texte posté plus tard sur Instagram, les étudiants ont rejeté la responsabilité de toute radicalisation sur les autorités, « qui avaient tous les moyens de satisfaire les revendications et ont préféré choisir la violence et la répression ».

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Plus d’une dizaine d’arrestations

Alimentant les craintes de heurts entre les deux camps, M. Vucic avait prévenu dans la matinée qu’il y aurait « de la violence » vers la fin de la manifestation des étudiants. Ces derniers, dont les rassemblements ont toujours été pacifiques, ont de leur côté menacé d’une « radicalisation » si leurs demandes n’étaient pas satisfaites, menaçant d’une « désobéissance civile pacifique » et laissant entendre qu’ils pourraient bloquer plusieurs points névralgiques à Belgrade.

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Vendredi soir, le président leur avait répondu, rejetant leurs revendications et les accusant, comme il l’avait déjà fait, d’être à la solde de « puissances étrangères ». « A la fin, la Serbie gagne toujours », a-t-il posté sur Instagram tard samedi.

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Face à un mouvement de contestation de cette ampleur, le président de la Serbie s’est séparé du chef du gouvernement et de certains ministres en janvier, tout en accusant régulièrement les manifestants de vouloir fomenter un coup d’Etat, d’être payés par d’autres pays ou de vouloir attenter à sa vie.

Le pouvoir a également maintenu la pression sur un certain nombre de militants : plus de dix personnes ont été arrêtées ces derniers jours. Vendredi, cinq d’entre elles ont été placées en détention provisoire – dont une sous bracelet électronique à domicile – accusées d’avoir voulu renverser le gouvernement, selon un bref communiqué de la justice. Samedi soir, un journaliste de l’AFP a vu au moins deux manifestants se faire arrêter.

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Le Monde avec AFP

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