L’ancien président congolais Joseph Kabila, opposant déclaré au gouvernement actuel, est jugé par la Haute Cour militaire du pays, à partir du vendredi 25 juillet, pour « crime contre la paix ». Il est accusé de complicité avec le Mouvement du 23-Mars (M23), un groupe armé soutenu par le Rwanda.
Joseph Kabila, qui vit à l’étranger depuis plus de deux ans – même s’il a récemment été vu dans l’est du pays –, ne devrait pas être présent à l’ouverture de son procès. Il est poursuivi pour « participation à un mouvement insurrectionnel, crime contre la paix et la sécurité de l’humanité, homicide intentionnel par balles, trahison, apologie, viol, torture et déportation, occupation à force ouverte de la ville de Goma », selon l’acte d’accusation. Ces faits sont passibles de la peine de mort en République démocratique du Congo (RDC), où un moratoire sur l’exécution de la peine capitale en vigueur depuis 2003 a été levé en 2024 (aucune exécution n’a cependant eu lieu depuis).
Fils de Laurent-Désiré Kabila, rebelle ayant fait tomber le dictateur Mobutu Sese Seko, Joseph Kabila, 54 ans, avait hérité du pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père. Il a dirigé la RDC jusqu’en 2019 et est resté très discret après son départ du pouvoir. La coalition politique qu’il formait avec son successeur, Félix Tshisekedi, avait éclaté au bout de deux ans.
En avril, l’ex-ministre de la justice Constant Mutamba avait saisi la justice militaire afin d’engager des poursuites contre Joseph Kabila « pour sa participation directe » au M23. Le procureur général de l’armée avait déposé une requête en levée de son immunité auprès du Sénat, qui l’avait approuvée par 88 voix contre 5 et avait autorisé les poursuites. M. Kabila bénéficiait de cette immunité en tant qu’ancien chef de l’Etat et sénateur à vie.
Machination
Un des principaux éléments exposés par le procureur est un témoignage qui attesterait que Joseph Kabila a tenu une conversation téléphonique avec un haut responsable du M23 au sujet d’un plan orchestré par le Rwanda visant à assassiner le président Tshisekedi. D’après ce témoignage, M. Kabila aurait déconseillé la mise en œuvre d’une telle machination, qui aboutirait à ériger M. Tshisekedi en « martyr », et aurait affirmé qu’un coup d’Etat militaire était préférable.
Dans une rare allocution transmise en ligne le 23 mai, après la levée de son immunité, l’ancien dirigeant avait dénoncé la « dictature » du gouvernement Tshisekedi et fustigé une justice n’étant plus, selon lui, « qu’un instrument d’oppression d’une dictature qui tente désespérément de survivre ».
Joseph Kabila, qui avait quitté le pays fin 2023, a regagné en mai Goma, grande ville de l’est du pays contrôlée par le M23 et des milices congolaises. L’Est congolais, région riche en ressources naturelles et frontalière du Rwanda, est déchiré par des conflits depuis trente ans. Les violences se sont intensifiées ces derniers mois avec la prise de contrôle par le M23 de Goma et Bukavu, capitales des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Le 19 juillet au Qatar, le M23 et le gouvernement de Kinshasa ont signé une déclaration de principes pour un « cessez-le-feu » permanent dans cette partie du pays. Mais jeudi, au moins onze personnes ont été tuées dans des combats entre le M23 et des milices pro-Kinshasa dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, selon des sources locales. L’accord signé à Doha a été salué par la communauté internationale comme une « avancée » vers un accord de paix global dans l’est de la RDC. De précédents accords de paix et de cessez-le-feu ont été violés ces dernières années.
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Le Rwanda nie soutenir militairement le M23. Mais début juillet, des experts de l’ONU ont pointé le « rôle déterminant » joué par son armée dans l’offensive du groupe armé de janvier et février. Selon un proche de Joseph Kabila auprès de l’Agence France-Presse (AFP), aucune alliance formelle n’a été conclue entre l’ancien président et le M23, mais ils partagent un « même objectif » : mettre fin au régime de Félix Tshisekedi.