Pour sa niche parlementaire, La France insoumise (LFI) propose l’abrogation de la réforme des retraites de 2023, et le retour de 64 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite, jeudi 28 novembre, alors que la perspective d’une censure du gouvernement dès la semaine prochaine occupe tous les esprits. Mais cette proposition de loi, qui aurait toutes les chances d’être adoptée avec le soutien de l’ensemble de la gauche et du Rassemblement national (RN), se heurte à l’obstruction du camp présidentiel à l’Assemblée nationale, qui a déposé des centaines d’amendements afin de retarder les débats.
Cette stratégie, contre laquelle LFI a appelé à un rassemblement aux Invalides, non loin de l’Assemblée nationale, a été qualifiée par la gauche de « sabotage indigne » ou de « méthode de voyous ». A 19 heures, il restait plus de 600 amendements à examiner, rendant peu probable un vote avant minuit, heure de clôture de la journée d’initiative.
« Honte à vous de faire obstruction et de vous entêter, quand 70 % des Français restent opposés à votre réforme », s’est indigné dans l’hémicycle le rapporteur « insoumis » du texte, Ugo Bernalicis. « Si vous nous empêchez de voter aujourd’hui, ce ne sera qu’une raison de plus pour vous censurer », a ajouté la cheffe des députés « insoumis », Mathilde Panot.
Mais, en fin d’après-midi, les partisans de l’abrogation ont remporté une première victoire symbolique : ils ont repoussé par 241 voix contre 100 des amendements par lesquels leurs collègues du « socle » gouvernemental voulaient vider le texte de sa substance. Cette « défaite cinglante pour le camp présidentiel » prouve qu’« il y a une majorité à l’Assemblée et dans le pays pour l’abrogation », s’est félicitée sur X la députée (LFI) Clémence Guetté.
Plus de 700 amendements
Le ministre du budget, Laurent Saint-Martin, a observé de son côté que ces « quelques centaines d’amendements » n’étaient rien en regard des 19 000 qu’avait déposé la gauche au moment de l’examen de la réforme, en 2023. « C’est vous qui avez à l’époque voulu bloquer les débats, empêcher les votes ! » Sur le fond, « la responsabilité, ce n’est pas de revenir détricoter ce qui avait permis d’équilibrer les comptes », a-t-il insisté. La gauche veut ouvrir « les vannes et la machine à promesses illusoires », a fustigé la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet.
Juste avant la pause de la mi-journée, les députés avaient examiné − et rejeté − une dizaine d’amendements, sur les plus de 700 à discuter, les débats surchauffés étant entrecoupés de multiples rappels au règlement et de suspensions de séances pour ramener le calme. Les députés ont ainsi commencé par débattre pendant près de dix minutes d’une proposition − finalement rejetée − visant à qualifier le texte de LFI de « démarche électoraliste et idéologique ».
La réforme Touraine en jeu
La proposition d’abrogation, approuvée sans encombre la semaine dernière en commission, revient non seulement sur la réforme de 2023, mais également sur celle menée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine − qui avait augmenté la durée de cotisation. Le groupe socialiste tentera de sauver la réforme Touraine par le biais d’un amendement de son député Arthur Delaporte, mais approuvera la proposition quoi qu’il arrive pour abroger le recul de l’âge, a prévenu son chef, Boris Vallaud.
Présente dans l’hémicycle alors que son procès s’est achevé hier, la cheffe de file du RN, Marine Le Pen, n’a pas pris la parole. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être soumis au vote des députés lundi, à moins que le premier ministre, Michel Barnier, ne décide de déclencher le 49.3 pour une adoption sans vote, ce qui l’exposerait à une motion de censure promise par la gauche et que le Rassemblement national menace de voter.
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