Mario Draghi en a rêvé, Donald Trump l’a annoncé. « Stargate », le mégaprojet d’investissements dans les infrastructures pour développer l’intelligence artificielle (IA), dévoilé mardi 21 janvier par Donald Trump, est un message simple et efficace que l’Union européenne (UE) n’est toujours pas en mesure de délivrer. Celui d’une puissance qui se fixe comme objectif d’être aux avant-postes d’une nouvelle frontière technologique. Alors que l’UE en est encore à établir le diagnostic de son décrochage économique, pointé par le rapport Draghi, l’écart menace de se creuser encore davantage au profit des Etats-Unis, qui font une démonstration de force en alignant projet politique, avance technologique et capacité d’investissement.

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Donald Trump s’est fait le porte-voix d’une initiative privée, qui s’engage à débourser 100 milliards de dollars (96 milliards d’euros) immédiatement, puis 400 autres milliards d’ici à la fin de son mandat, afin de construire, aux Etats-Unis, d’immenses centres de données et le système énergétique capable de les alimenter. A ce stade, en Europe, les investissements dans ces « usines de l’IA » plafonnent à 1,5 milliard d’euros. Le projet américain sera mis en œuvre par le spécialiste du cloud Oracle, le géant japonais des investissements Softbank, la start-up d’IA générative OpenAI.

Même s’il ne faut pas se laisser abuser par l’effet d’annonce, il faut reconnaître aux Etats-Unis une nouvelle fois un sens aigu du marketing, avec un nom évocateur de la conquête spatiale, des montants significatifs et un récit mobilisateur : « Cette entreprise monumentale est une déclaration de confiance retentissante dans le potentiel de l’Amérique sous un nouveau président », vante Trump.

Saupoudrage d’investissements

On pourra toujours objecter qu’il s’agit d’investissements qui étaient déjà en partie annoncés, que les acteurs du secteur n’ont pas attendu M. Trump pour anticiper la révolution en cours, que les financements restent à mobiliser et que les 100 000 créations d’emplois « immédiates » tiennent plus du slogan que de la réalité économique. N’empêche, force est de constater que l’Europe, une fois encore, aura toutes les peines du monde à répliquer. Ses capacités restent fragmentées, ses processus de décision demeurent laborieux, et sa capacité à attirer les investissements pour de tels projets ne peut pas rivaliser avec celle des Etats-Unis.

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L’Europe reste recroquevillée sur des postures défensives face aux coups de boutoir de ses rivaux. Les initiatives se limitent à des normes, des lignes Maginot plus ou moins pertinentes et du saupoudrage d’investissements pour se donner l’illusion de l’action. Depuis l’investiture de Donald Trump, la planète vit au rythme de ses décrets, alors qu’entre la fin de la mandature du Parlement européen et les premières décisions de la nouvelle Commission attendues dans les prochaines semaines il se sera écoulé près d’une année. Ce fonctionnement n’est plus adapté au monde actuel.

Pour atténuer ce contraste cruel, tout est à revoir : la gouvernance, comme façon de mobiliser les capitaux et les initiatives. Surtout, les Vingt-Sept doivent se concentrer sur les domaines où l’Union est efficace pour affronter les menaces sur notre souveraineté et déjouer les risques de vassalisation rampante. Mais qui porte cette parole ? Les extrêmes estiment que l’Europe est le problème, pas la solution, tandis que le reste de la classe politique se contente d’incantations. Or, c’est maintenant qu’il faut agir. L’histoire ne repasse jamais les plats.

Le Monde

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