La loi Badinter du 5 juillet 1985, qui vient de fêter son 40e anniversaire, s’applique « aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ». La Cour de cassation a décidé, le 3 avril, qu’elle devait désormais s’appliquer à un accident survenu dans un lieu fermé à la circulation – garage privé – et n’ayant pas fait de victimes, mais seulement des dommages matériels.

La Cour a rendu cette décision dans le cadre d’un litige qui dure depuis plus de vingt ans. Le 8 mai 2004, M. Y, gendarme logé hors caserne, met trop d’essence dans le réservoir de sa moto, stationnée à l’intérieur de son garage. Le carburant ressort par le tuyau de trop-plein et se répand sur le sol. Quand la veilleuse de la chaudière, située à proximité, s’allume, la flaque s’enflamme et provoque l’incendie du logement de fonction.

La MAAF, assureur multirisque habitation du propriétaire de la maison, indemnise ce dernier à hauteur de 212 307 euros. Puis elle se retourne contre l’agent judiciaire du Trésor, locataire en titre de la maison. Celui-ci, peu désireux de payer, affirme que « dès qu’un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident, le régime de responsabilité prévu par la loi Badinter doit s’appliquer » ; il estime donc que c’est l’assureur responsabilité civile de la moto de M. Y qui doit intervenir.

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Le tribunal de grande instance de Paris ne le suit pas. Il juge, le 23 mai 2013, que « c’est l’essence répandue sur le sol », et non « le véhicule », qui a « causé l’incendie ». Il condamne l’Etat à rembourser la MAAF.

L’agent judiciaire du Trésor s’exécute, puis entreprend à son tour une action récursoire. Au lieu d’attaquer GMF, assureur de la moto, il assigne ACM Iard, assureur multirisque habitation de M. Y, dont le contrat exclut les dommages causés par les accidents de la circulation.

Il se fonde en effet sur l’article 1242-2 du code civil (ancien 1384 -2), selon lequel « celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable ». Il soutient que M. Y a commis une « faute » qui a provoqué l’incendie.

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