Au 1er novembre, 80 130 personnes étaient incarcérées dans les prisons françaises, qui affichaient une capacité de 62 357 places, selon des chiffres du ministère de la justice publiés vendredi 29 novembre, ce qui constitue un nouveau pic de surpopulation carcérale. Au 1er octobre 2024, le nombre de détenus dans les prisons françaises était de 79 631, et en novembre 2023, de 75 130.
La densité carcérale globale était de 128,5 % au 1er novembre. Cette densité carcérale, qui dépasse 200 % dans 13 établissements, contraint 3 962 détenus à dormir sur des matelas posés au sol. La densité carcérale atteint 155,1 % en maison d’arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement et donc présumés innocents, et ceux condamnés à de courtes peines.
« C’est un record inégalé », a constaté une source jointe par l’Agence France-Presse (AFP) au ministère de la justice, en déplorant le franchissement du seuil de 80 000 détenus. Parmi les personnes incarcérées, 20 831 sont des prévenus, en détention dans l’attente de leur jugement définitif.
Au total, 96 569 personnes étaient placées sous écrou au 1er novembre. Parmi elles, on compte 16 439 personnes non détenues faisant l’objet d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur.
La France figure parmi les mauvais élèves en Europe en matière de surpopulation carcérale, en troisième position derrière Chypre et la Roumanie, selon une étude publiée en juin par le Conseil de l’Europe.
Des mesures ont pourtant été prises pour tenter de remédier à ce problème, comme l’interdiction des peines de prison de moins d’un mois, l’aménagement des peines ou encore le développement de travaux d’intérêt général.
Ces nouveaux chiffres quant à la surpopulation carcérale arrivent alors que le ministre de la justice, Didier Migaud, a averti que la mise en œuvre du plan de construction de 15 000 places de prisons supplémentaires d’ici à 2027 ne pourra être honorée dans les délais.
Quelque 6 400 places supplémentaires envisagées d’ici à 2027
Auditionné devant la commission des lois du Sénat concernant le budget de la justice pour 2025, le garde des sceaux a insisté sur les « difficultés » rencontrées « dans le calendrier des grandes opérations de construction », affirmant que seules « 42 % » des 15 000 nouvelles places de prison devraient être opérationnelles en 2027, soit 6 421, « si tout se passe bien ». « L’achèvement du “plan 15 000” ne sera pas possible opérationnellement avant 2029, dans le meilleur des cas », a-t-il précisé.
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En attendant que ce plan « absolument nécessaire » aboutisse, une source au ministère de la justice interrogée par l’AFP a évoqué « la réhabilitation d’établissements pénitentiaires désarmés », « la construction de structures modulaires » comme en Belgique ou en Allemagne ou encore « la conversion de bâtiments publics non utilisés ». M. Migaud vient de lancer trois missions d’urgence, dont une concerne l’univers carcéral.
« La prison est nécessaire, elle est là pour punir et protéger les citoyens, mais l’incarcération doit se faire dans des conditions sécurisées pour les agents et dignes pour les détenus », a expliqué le garde des sceaux. Face à la surpopulation carcérale, il faut « envisager tous les outils possibles », dont des « mesures alternatives à l’incarcération pour les infractions de faible gravité ».
Fin octobre, l’Observatoire international des prisons et une trentaine d’autres organisations, parmi lesquelles le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et le Conseil national des barreaux, ont plaidé dans un texte commun pour des « réformes de fond visant à réduire le recours à l’incarcération et sa durée, fondées sur un changement de regard de la société ».
« La prison ne doit plus être considérée comme la référence du système pénal, et ses alternatives, loin d’être symboliques, doivent se substituer à l’enfermement », ont souhaité les organisations signataires.
A la mi-mars, le Conseil de l’Europe a exprimé sa « profonde préoccupation » à propos de la surpopulation carcérale chronique française. L’institution a invité les autorités françaises à « examiner sérieusement et rapidement l’idée d’introduire un mécanisme national contraignant de régulation carcérale ».