Pour Yvonne D., leur mère, ils voulaient le meilleur. Après un accident vasculaire cérébral (AVC) qui l’avait laissée hémiplégique en 2015, ses enfants lui avaient trouvé un Ehpad, à Loos (Nord), près de Lille. Ce n’était pas tout près de là où elle avait vécu, dans le Valenciennois, avec son mari qui a travaillé toute sa vie dans la sidérurgie, mais juste à côté de sa fille Marie. C’était cher aussi, plus de 3 000 euros par mois, mais c’était pratique pour cette sage-femme qui passait tous les jours lui rendre visite et pour Martine, son autre fille, qui prenait Yvonne chez elle chaque week-end. Une vieille dame bien entourée.

Le 9 mars 2023, cela fait quelques jours qu’Yvonne D., 96 ans, a été transférée dans l’unité « grands dépendants » de cet Ehpad appartenant au groupe Orpea (devenu Emeis). Marie est appelée par l’infirmière. Yvonne D. a fait une chute, elle vient d’être emmenée au centre hospitalier de Lille. C’est cet accident qui vaut à un aide-soignant remplaçant de l’Ehpad et à sa directrice de se retrouver devant le tribunal correctionnel de Lille qui les juge pour homicide involontaire, mercredi 8 janvier.

Quand ses filles arrivent aux urgences, Yvonne D. est dans un triste état. Des plaies sur le visage, un bras cassé, un traumatisme crânien. Elle est tellement mal en point que l’hôpital suspecte une chute depuis une très grande hauteur et fait un signalement au parquet de Lille. Onze jours plus tard, Yvonne D. meurt. Une autopsie est ordonnée, et conclut à un décès par hémorragie cérébrale provoquée par une chute. A la barre, Abdelatif M., l’aide-soignant qui a procédé à sa toilette ce matin-là raconte avec de grands gestes la manière dont il a utilisé le lève-personne, activé grâce à un rail fixé au plafond pour déplacer Yvonne D. de son lit à son fauteuil roulant.

« J’ai rien caché »

Cet homme d’une cinquantaine d’années, aide-soignant depuis seize ans, ponctue quasiment toutes ses phrases de « sincèrement » pour assurer qu’il a procédé selon les règles, qu’il connaît son métier, qu’il n’a rien à se reprocher. Si Yvonne D. est tombée, malgré le harnais et les sangles, c’est parce qu’elle a eu « un spasme ». Pour le reste, il soutient : « J’ai rien caché, sincèrement, c’est sûr et certain. J’ai fait correctement mon travail, comme d’habitude. »

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