La première fois que Le Monde l’a rencontré, il portait le col romain, une petite croix argentée fixée à la poche de sa veste et le nom de « père Matthieu ». Un an plus tard, il est vêtu d’un sweat-shirt à capuche, d’un jean gris et de baskets, cheveux légèrement ébouriffés au gel et barbe de quatre jours. A 39 ans, il a repris son patronyme de naissance, Matthieu Jasseron, après avoir quitté la prêtrise, l’été dernier. Juste avant notre rendez-vous dans un café parisien, à la mi-novembre, il a grillé une cigarette sur le trottoir, un brin nerveux. C’est qu’en choisissant de faire son « coming out spirituel », le prêtre le plus connu de France grâce à son million et demi d’abonnés sur différents réseaux sociaux a créé un véritable choc dans le monde catholique.

Dans une vidéo fleuve de quarante-cinq minutes, postée le 20 octobre, Matthieu Jasseron explique, sur fond de paysage bucolique, les raisons pour lesquelles il a baissé les bras. Rien à voir avec les motifs invoqués généralement par ses pairs, jure-t-il. « Ce n’est pas une histoire de meuf, de mec, de sanctions, de casseroles ou de cul, d’excommunication ou quoi que ce soit encore, c’est plus profond que ça », assure-t-il dans ce style direct et sans fioritures qui a fait son succès sur TikTok.

Et d’énumérer pêle-mêle, de façon parfois confuse – malgré un montage vidéo haché qui laisse à voir qu’il s’y est pris à plusieurs reprises –, une litanie de griefs : « Je me suis fait lyncher, j’ai été abusé, insulté, manipulé », balance-t-il avant de faire part d’une « agression physique » par un évêque, d’une interdiction relayée par les renseignements territoriaux de se rendre à une messe, d’une « violation du secret de la confession », d’« intimidations ». « J’ai vécu la pire année de ma vie », résume-t-il, visiblement marqué.

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Devant Le Monde, il met de l’ordre dans ses idées : « Je me sentais trop en décalage. » Tant avec ses paroissiens qu’avec sa hiérarchie. « Je revendique d’avoir une foi interprétative, mais ce n’est pas ce que l’on attend de moi, poursuit-il. Pour moi, la question n’est pas de savoir si un Palestinien a marché sur l’eau il y a deux mille ans ou si Marie était vierge, ce qui importe, c’est le legs transmis : la foi chrétienne a transformé le monde et les Evangiles sont le meilleur manuel de bien-être de tous les temps ! »

Mauvaise nouvelle

A force de répondre aux questions des internautes, il s’en pose lui-même de plus en plus. « J’ai une foi pratico-pratique, assume-t-il. Je comprends que ça ne soit pas audible par l’Eglise. » Une Eglise dont il dresse un terrible tableau : « autoritaire » et « totalisante », « génératrice d’abus », qui « fonctionne comme un parti politique avec des gens dont le premier souci est de préserver la boutique plutôt que de faire le bien ». Il déplore que « sur les 31 paroisses de l’Yonne, seules deux ont accueilli des migrants, alors que toutes disposent de locaux vides ».

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